10 juillet 2016

On devrait construire les villes à la campagne

Il y a à peu près 3 semaines, la pollution atmosphérique en général et les particules fines en particulier ont refait surface dans l'actualité, via les 48000 morts dus aux particules. Ce blog ayant déjà traité de ces questions dans le passé, la tentation de revenir sur le sujet s'est fait d'autant plus sentir que le rapport d'étude publié sur le site de l'INVS contient des données permettant de se livrer à quelques tests sur la question.

Dans les billets précédents sur la question, j'exprimais mon plus grand scepticisme envers des estimations similaires de mortalité. J'y voyais là le résultat de modèles utilisés jusqu'au delà de leurs limites et que les comparaisons faites avec des causes de mortalités telles que le tabac et l'alcool étaient déplacées. La lecture du rapport et les quelques tests statistiques que j'ai pu faire n'ont pas fait varier ce jugement. Pour tout dire, je trouve ces comparaisons avec les effets du tabac et de l'alcool contreproductives et dangereuses, car elles minimisent les dangers réels de ces 2 produits qui sont des causes majeures de mortalité en France (et dans le monde).

Il y a 2 raisons qui me font rester sur mon jugement d'origine:

  1. La publication qui sert de base à la simulation donne un surcroît de mortalité 2.5x supérieur à la plupart des études comparables, tout en ayant un large intervalle d'erreur. Avec la moyenne des études sur la question, l'estimation centrale de la mortalité attribuée aux particules serait plus basses dans les mêmes proportions, soit moins de 20000. Quoique toujours important, ce chiffre prête moins le flanc aux analyses ex post sur l'espérance de vie
  2. Une analyse statistique des espérances de vie par département ne montre un effet de la concentration en particules qu'à la seule condition d'accepter qu'une forte densité de population allonge l'espérance de vie, au point de compenser presque exactement les effets de la pollution.

L'étude

Le principe de l'étude est d'établir une cartographie fine de la concentration en PM2.5 au niveau de la France métropolitaine (hors Corse), puis d'utiliser un risque relatif de décéder, déterminé par ailleurs, pour calculer, à l'aide de la cartographie établie, les excès de mortalité causés par les particules.

La cartographie de la concentration en particules fines s'appuie sur plusieurs composantes. D'abord, il y a eu un travail de collecte des données sur des stations de mesure puis de reconstruction des émissions, là où les stations de mesure étaient absentes. Ensuite, un modèle reconstruisant le déplacement des particules dans l'atmosphère est utilisé pour rendre compte de leur étalement progressif. Le tout est fait avec une maille de 2km de côté et pour plusieurs années de 1989 à 2008. La carte obtenue est visible ci-dessous, où on voit qu'il y a une plus grande concentration de particules au nord, et qu'elle est minimale en montagne. cartePM25.jpg

Pour obtenir un chiffrage de l'excès de mortalité provoqué par les particules, il faut alors décider du risque supplémentaire de mourir provoqué par les particules (alias sur-risque), en fonction de la concentration de celles-ci dans l'atmosphère. En général, il est exprimé en pourcentage pour une hausse de 10 μg/m³. Dans le cas présent, l'étude a pris comme risque supplémentaire 15% pour une augmentation de 10 μg/m³. Au niveau de risque et de pollution aux particules considérés, la mortalité attribuée aux particules est à peu près proportionnelle au niveau du sur-risque: s'il était divisé par 2, le nombre de morts le serait grosso modo aussi. Le rapport contient un tableau, reproduit ci-dessous, qui liste les sur-risques obtenus par diverses études. Entourées en bleu sont les études qui ont servi pour le rapport, en rouge la méta-étude recommandée par l'OMS jusque récemment. etudes_PM25.jpg On peut remarquer 3 choses:

  1. La base de l'étude est pessimiste: elle part d'un sur-risque parmi les plus pessimistes puisque seules 2 études sur les 11 autres présentent un sur-risque supérieur
  2. La méta-étude de l'OMS de 2013 donne un sur-risque de 6% pour 10 μg/m³ soit 2.5x moins que la base de l'étude. Si elle avait été choisie comme base, on aurait pu s'attendre à ce que la mortalité supplémentaire soit divisée par le même facteur.
  3. Les études dont les intervalles de confiance à 95% (entre crochets) sont les plus resserrés sont parmi celles qui donnent des valeurs encore plus basses, de 4% pour 10 μg/m³.

Pourquoi avoir choisi un sur-risque de 15%? Le rapport dit que c'est pour garder la cohérence entre le sur-risque et les données sous-jacentes de concentration en PM2.5, parce que la puissance statistique était importante et parce que ces sur-risques ont été déterminés par des études françaises. Cela me semble surprenant, puisqu'il semble improbable qu'il y ait une forte différence entre les effets sur les Italiens et sur les Français des particules. La puissance statistique, au vu des intervalles de confiance, semble loin d'être extraordinaire; par ailleurs, le but de la méta-étude de l'OMS est de renforcer la puissance statistique en prenant en compte une bonne part des études sur le sujet. Enfin, le problème de la cohérence des données me semble surfait: un fort sur-risque ne se justifie pour cette étude que par une sous-évaluation des écarts de concentration en particules, or il se trouve que le modèle de concentration concurrent trouve moins d'écarts. Bref, les raisons invoquées ne me paraissent pas très convaincantes. Les conséquences sur le résultat final sont par contre évidentes: en choisissant le sur-risque maximal, la mortalité sortant du modèle est élevée.

L'espérance de vie et les PM2.5

En annonçant 48000 décès imputables aux particules, l'étude met les conséquences des particules sur pied d'égalité avec la consommation excessive d'alcool (49000 morts attribués) et pas si loin du tabac (60000 morts attribués). L'étude annonce aussi des gains possibles d'espérance de vie, par comparaison au cas de concentration uniforme en PM2.5 de 4.5 μg/m³, très élevés, puisque par exemple, elle donne le chiffre de 27 mois d'espérance de vie à 30 ans perdus pour Paris (p116). Le rapport donne aussi, à partir de la p71, les concentrations en PM2.5 pour la période 2007-2008, ce qui permet de pouvoir se livrer soi-même à quelques tests statistiques à partir de données disponibles publiquement, quoique pas forcément si aisément. On peut retrouver l'essentiel des données et les scripts qui ont permis de les récupérer sur cet espace Google Drive.

L'idée est de chercher des corrélations entre l'espérance de vie et certains facteurs dont on peut penser (ou pas) qu'ils ont un lien avec elle. Le premier pas est de récupérer des données:

  1. L'espérance de vie est disponible par département sur le site de l'INSEE. Malheureusement, l'INSEE ne propose pas d'évaluation de l'espérance de vie à 30 ans. Je me suis donc rabattu sur l'espérance de vie à 20 ans et j'ai considéré la moyenne entre l'espérance de vie des femmes et celle des hommes, ce qui revient en gros à considérer qu'il y a autant d'hommes que de femmes.
  2. On peut bien sûr penser que le niveau de vie influe sur l'espérance de vie, les riches vivant plus longtemps que les pauvres. J'ai utilisé le revenu disponible par unité de consommation, aussi disponible sur le site de l'INSEE.
  3. Un autre paramètre auquel on peut penser est la densité de population. J'ai plutôt utilisé le logarithme de la densité: cela correspond à l'idée intuitive qu'ajouter 50 habitants au km² en Lozère (15 hab/km²) changerait beaucoup les choses, ça ne changerait presque rien à Paris qui compte déjà plus de 20000 habitants par km².
  4. Avant de passer à des indicateurs liés directement à la santé, un indicateur qui "marche" bien est la part de vote extrême aux élections présidentielles de 2012, qui est la somme de la part des votes du premier tour étant allés à M. Le Pen, F. Arthaud, Ph. Poutou et J.-L. Mélenchon. J'ai constaté que cette variable était plus "efficace" que le niveau de vie. Je pourrais rationaliser tout ça en avançant l'hypothèse que le vote extrême exprime de mauvaises conditions de vie, mais ça me paraît surtout être un indicateur ad hoc qui se trouve combiner divers facteurs défavorables à l'espérance de vie.
  5. Un indicateur de mortalité lié à la consommation d'alcool. Le problème est qu'un indicateur direct de la consommation d'alcool n'est pas disponible au niveau départemental. Le site gouvernemental idoine ne donne que des indicateurs de mortalité ou des indicateurs au niveau régional. C'est pourquoi j'ai pioché dans la base du cepiDc (via un script perl) pour construire un indicateur sur la base de la mortalité avant 55 ans dûe à la cirrhose alcoolique (code CIM K70).
  6. Un indicateur de mortalité lié au tabac. Les difficultés sont assez similaires, amplifiées par des problèmes de taxation: il est bien connu que les taxes sur le tabac sont moins élevées en Belgique et en Allemagne, ce qui fait que de nombreux fumeurs s'y approvisionnent lorsqu'ils habitent à une distance raisonnable. Là aussi, j'ai pioché dans la base du cepiDc et l'indicateur est construit sur la base de la mortalité avant 55 ans dûe au cancer du poumon (maladie dont la part attribuable au tabac est la plus élevée, plus de 80%, code CIM C34).

Il y a certes un côté tautologique à considérer des indicateurs directement basés sur le taux de mortalité chez des gens assez jeunes pour constater qu'ils sont liés à une espérance de vie plus basse. Cela dit, la cirrhose alcoolique fait environ 1300 morts par an chez les moins de 55 ans, le cancer du poumon environ 4000 dans la même classe d'âge. C'est à comparer avec 40 000 décès dans la même classe d'âge et presque 600 000 décès annuels toutes classes d'âges confondues: on regarde une part raisonnablement faible des décès pour estimer que l'effet était a priori faible. De plus, que les maladies en questions soient provoquées avant tout par la consommation du produit incriminé (alcool ou tabac) ne fait plus de doute: il y a énormément de preuves scientifiques.

Quels résultats peut-on obtenir? La différence d'espérance de vie entre le département qui a l'espérance de vie minimale — le Pas de Calais — et celui où elle est maximale — Paris — est d'environ 4 ans et 4 mois (soit 52 mois). Le fait que Paris, le département où l'impact de la pollution est donné comme maximal, soit le département où l'espérance de vie est la plus élevée doit d'ailleurs amener à douter un peu des conclusions de l'étude: le handicap qu'on lui attribue est de la moitié de l'écart total. Certes, le Pas de Calais n'est pas le département le moins pollué, mais néanmoins, on voit qu'il va être difficile de réconcilier l'étude et les statistiques d'espérance de vie. Si on regarde maintenant s'il y a une relation entre la concentration moyenne en PM2.5 et l'espérance de vie, on voit qu'il n'y a en fait aucune corrélation visible directement (voir graphe ci-dessous). Le R² quantifie la variance «expliquée» par la (les) variable(s) considérées, on constate qu'il est nul. EV_PM.jpg

Bien sûr, ce n'est pas complètement fini: il est possible que l'effet des particules soit masqué par un (des) effet(s) bénéfique(s). Mais la concentration en PM2.5 est l'indicateur le plus faible quand on le teste seul. Par exemple, l'indicateur lié à l'alcool permet d'expliquer à lui seul plus de la moitié de la variance, même s'il est vrai qu'il est aussi corrélé assez fortement à l'indicateur sur le tabac. EV_Alcool.jpg

Quand on teste plusieurs variables simultanément, on s'aperçoit de même que la concentration en PM2.5 n'est que faiblement explicative. Par exemple, si on teste ensemble le niveau de vie, le tabac, l'alcool et les PM2.5, on trouve que:

  • L'alcool a un effet (en suivant la "meilleure pente") faisant perdre 24 mois d'espérance de vie entre le département le plus "alcoolisé" et le moins porté sur la bouteille
  • L'écart attribué au tabac est de 14 mois
  • L'écart attribué au niveau de vie de 19 mois
  • Pour les PM2.5, la pente n'est pas statistiquement significative, car elle est faible: l'écart est de 5 mois entre le département le plus pollué et le moins pollué, dans le sens conforme à l'intuition

Pour trouver un effet statistiquement significatif, il faut associer ensemble la concentration en PM2.5 et la densité de population. Il faut dire que ces deux variables sont liées entre elles (voir le graphe ci-dessous). Intuitivement, les départements au-dessus de la droite ont une espérance de vie plus basse que ceux qui sont en dessous. PM25_densite.jpg Ainsi, quand on ajoute au niveau de vie, au tabac, à l'alcool, aux PM2.5, la densité de population (ou plus exactement son logarithme), on trouve que:

  • L'alcool fait baisser l'espérance de vie de 23 mois et le tabac de 12 mois entre les départements extrêmes, ce qui est sensiblement la même chose que ci-dessus
  • Le niveau de vie crée un écart de 15 mois entre le département le plus riche et le plus pauvre
  • L'écart attribué aux PM2.5 est une perte de 16 mois, compensé par un gain dû à la densité de population de 19 mois. Autrement dit en passant des Hautes-Alpes à Paris, il n'y a aucun gain d'espérance de vie ou presque de ce fait. Par contre, si on se déplace perpendiculairement à la droite de tendance du graphe ci-dessus, l'écart est d'environ 7 mois.

Si on prend cette modélisation statistique au pied de la lettre, il faudrait d'urgence construire des villes à la campagne car l'air y est plus pur. On gagnerait sur les 2 tableaux puisqu'on profiterait à la fois de la baisse en concentration en PM2.5 et de la hausse de la densité de population. Si on regarde les cartes, il faudrait toutefois éviter les campagnes du nord de la France qui ont tendance à être plus polluées que celles du sud. Cependant, au risque de doucher l'enthousiasme, il me semble plutôt qu'on est en face d'un artefact statistique, l'INSEE signalait — certes il y a maintenant un certain temps — que les banlieusards de province avaient tendance à mourir plus tard que les habitants des centre-villes.

Quelques conclusions

Après cet exercice statistique, je trouve encore et toujours que les gros chiffres de mortalité due à la pollution atmosphérique, dont raffolent les médias, sont grossièrement surévalués. La modélisation qui sert de base au chiffre de 48000 morts prétend que l'espérance de vie à Paris est diminuée de 27 mois. Or il se trouve que Paris et ses banlieues aisées affichent les espérances de vie parmi les plus élevées de France, tout en étant les plus polluées. De façon générale, il n'y a pas de corrélation claire entre l'espérance de vie et les niveaux de pollutions tels qu'affichés par l'étude, ce qui pointe vers un impact de la pollution qui, tout en restant bien entendu négatif, serait nettement plus faible que celui qui a fait les titres des journaux.

Une autre conclusion qu'on peut tirer, c'est que, décidément, les effets de l'alcool ou du tabac n'ont rien de comparable à ceux de la pollution. L'alcool et le tabac sont associés à des maladies dont ils créent l'immense majorité des cas et où il y a une longue littérature médicale sur le sujet. Ces maladies sont mortelles dans bien des cas. Pour l'alcool, cela se double d'une détérioration du comportement et des qualités physiques et mentales, ce qui fait qu'en plus des maladies, on a déplorer des suicides et des morts par accidents de la route. C'est sans doute pour cette raison, qu'en plus de la sévérité des maladies que l'alcool entraîne, il semble associé à une baisse plus forte de l'espérance de vie que le tabac. Mais ces 2 produits partagent une caractéristique: leur impact sur l'espérance de vie est net, il est apparent sans avoir à démêler différents effets. La pollution atmosphérique est bien loin de cela.

Enfin, il serait bon que ces chiffrages de mortalité liés à la pollution s'accompagnent de vérifications a posteriori. En effet, ces études sont toutes construites sur le même principe d'étudier une cohorte où regarde les effets de certains produits pour obtenir une quantification des risques liés. C'est une détermination des dommages a priori. Cependant, lorsque les effets annoncés sont importants, on peut vérifier la cohérence de ce qui a été trouvé sur la situation sanitaire globale: une perte de 2 ans d'espérance de vie entre 2 départements, c'est déjà beaucoup! De telles vérifications permettraient peut-être de se passer de comparaisons inappropriées entre la pollution et le tabac ou l'alcool.

14 février 2015

Les faits n'ont aucune importance

Cette semaine, la mairie de Paris a annoncé des mesures visant à limiter la pollution atmosphérique. La plus remarquée de ces mesures est la décision de restreindre la circulation automobile en interdisant la circulation en dehors du périphérique et des bois à un certain nombre de véhicules autorisés ailleurs, mais trop anciens aux yeux de la maire de Paris.

Après quelques billets sur le sujet, il est intéressant de résumer les quelques épisodes précédents. Il est totalement impossible que les seuls gaz d'échappement, et plus particulièrement ceux des voitures diesel, soient responsables des fameux 42000 décès prématurés, qui ont d'ailleurs une réalité surtout mathématique et non celle de lier une cause à un effet directement tangible. Les émissions de polluants ont fortement baissé depuis 20 ans, ces efforts se poursuivent aujourd'hui, grâce au renouvèlement de toutes sortes de machines et au durcissement des normes. La baisse des concentrations des particules dans l'air parisien est moins rapide, parce qu'une bonne part de ces particules viennent de l'extérieur de la région parisienne. Dernièrement, les effets des concentrations des particules de moins de 1µm ont été comparées au tabagisme passif, dont on estime qu'il est la cause de 1100 décès par an soit environ 40 fois moins que les 42000 morts. Si ces particules de moins de 1µm sont créées par la combustion de carburants divers, elles ne représentent plus que la moitié des émissions de particules provenant du trafic routier.

Les justifications des mesures laissent pantois:

  1. Les éléments techniques sont donnés pèle-mêle sans aucune mise en perspective et sans doute dans l'unique but de faire peur. C'est ainsi que le chiffre de 42000 morts figure en bonne place, mais lorsque la comparaison avec le tabagisme passif est faite, le nombre de morts dus au tabagisme passif, bien plus faible, n'est pas donné. De la même façon, les conclusions qu'on pourrait tirer de la publication de l'InVS ne le sont pas: avec un surplus de décès de 0.5% par 10µg/m³, on peut en déduire qu'il existe en Île de France une corrélation entre la pollution aux particules et environ 1500 décès, essentiellement après 75 ans, d'ailleurs.
  2. Le trafic automobile est donné comme le plus gros émetteur de polluant sans précision, alors qu'évidemment, suivant le type de polluant, cette situation varie beaucoup. Si le trafic automobile est responsable de la plus grande part des émissions de NOx, pour les particules, il est minoritaire.
  3. La mairie de Paris n'hésite pas à déclarer que sa politique de restriction de la circulation est à l'origine de la baisse des émissions de polluants alors qu'elles y évoluent de façon parallèle au reste de du territoire français. Elle s'attribue le mérite de résultats dont elle n'est donc pas à l'origine.
  4. L'importance des pièces d'usure (pneus, plaquettes de freins) dans les émissions de particules n'est mentionné que p6, bien loin de l'avant propos justifiant l'ensemble des mesures … mais juste avant d'énoncer les mesures d'interdiction de circulation prise au vu des normes imposées aux moteurs!

On arrive assez rapidement à la conclusion que les justifications ne sont là que pour la forme, pour pouvoir prendre des mesures qui vont dans le sens de l'idéologie de la majorité municipale. C'est ainsi qu'on y retrouve un certain nombre d'expressions connotées dont l'encouragement des mobilités douces, parmi lesquelles le vélo et la marche à pied, dont tous ceux qui les pratiquent couramment savent qu'elles n'ont rien de tel. Les mesures à prendre sont ainsi connues à l'avance et ne portent que sur le trafic routier: mobilisation de places de parking en surface pour en faire autre chose, subventions diverses à l'achat de véhicules moins polluants et surtout restrictions de circulation suivant l'âge du véhicule — ou la norme respectée, on ne sait trop. C'est bien sûr cette dernière mesure qui frappera le plus de monde, une partie importante du trafic à Paris provenant aussi de banlieue.

Le premier aspect de cette mesure de restriction est son aspect vexatoire: Paris intra-muros possède un réseau dense de transports en communs, les habitants peuvent donc se dispenser de voiture, ce qui est le cas d'environ la moitié des ménages parisiens. De plus, le périphérique n'est pas concerné par ces restrictions, alors que c'est sans doute la route la plus fréquentée de France et par conséquence la plus polluée. Si, véritablement, Anne Hidalgo souhaitait réduire la pollution des automobiles, pourquoi exclure le périphérique de son plan? De même, pourquoi les voitures particulières polluantes seraient autorisées à circuler le week-end? Enfin, pourquoi aucune mesure n'est-elle prise pour les autres émetteurs de polluants que le trafic automobile?

D'un autre côté, cette mesure de restriction ressemble aussi à une gesticulation. En effet, au fur et à mesure du temps qui passe, les véhicules les plus vieux sont mis au rebut. C'est ainsi que fin 2012, les voitures particulières Euro 4 et plus représentaient à peu près 40% du parc selon le rapport 2014 du CITEPA (p145). Cette part est vouée à augmenter, et il semble qu'en fait les restrictions les plus onéreuses portent sur les interdictions faites aux cars ainsi que le dernier niveau d'interdiction de circulation, en 2020, qui portera sur les véhicules inférieurs à la norme Euro 5. L'effet des ces restriction sera de plus probablement limité: le rapport prospectif d'Airparif sur les émissions de polluants prévoyait qu'à réglementation constante les émissions de PM2.5 — de fait celles concernées par les réglementations Euro — diminueraient de 80% entre 2008 et 2020. Les efforts supplémentaires portent donc sur une masse d'émissions fortement réduites. Enfin, réduire les émissions dans Paris intra-muros ne fait rien contre les émissions qui ont lieu juste à côté, en Île de France, et plus largement ailleurs en Europe, ce qui a son importance quand les 2/3 des particules viennent de l'extérieur!

Une politique pragmatique de diminution de la pollution devrait à mon sens suivre certaines grandes lignes:

  1. Pour le secteur des industries et de du trafic routier, reconnaître que les normes élaborées au niveau européen sont le déterminant principal de la réduction à long terme des polluant et qu'il n'y a pas besoin d'en rajouter aux niveaux inférieurs, national et local.
  2. Le diesel n'apportant aucun bénéfice par rapport au super en termes de pollution, les taxes sur les 2 devraient être alignées sur le niveau des taxes sur le super, afin de renforcer l'incitation financière à économiser les carburants. Ça ne se décide pas au niveau de la mairie de Paris.
  3. Le bonus-malus devrait être la seule incitation à acheter des véhicules consommant moins, à condition de ne plus se baser sur le vieux test NEDC mais plutôt sur le WLPT pour éviter que les optimisation des constructeurs ne corrompent trop le système.
  4. Une action locale que pourrait mener la mairie de Paris pour diminuer la pollution est la chasse aux chauffage au fioul et aux cheminées à foyer ouvert. Il ne s'agit pas tellement d'interdire que de faire de la publicité pour les inserts — qui divisent par 4 les émissions de particules provenant du bois par rapport aux foyers ouverts — et de subventionner la fin des vieilles chaudières au fioul, dont certaines des plus grosses sont d'ailleurs celles qui chauffent des HLMs.

Mais comme la parole publique est surtout concentrée sur les méfaits supposés du diesel, qui ont largement disparu et vont continuer à diminuer, peu de temps a été consacré à des propos utiles. Personne ou presque n'a parlé récemment du fait que les cheminées à foyer ouvert étaient les plus gros émetteurs de particules fines en France. Personne pour dire qu'il faudrait aussi remplacer les vieilles chaudières au fioul, qui brûlent essentiellement la même chose que le diesel et émettent aussi des particules. En conséquence de quoi, l'action dans ce domaine a consisté à interdire, ce qui a évidemment échoué devant l'incompréhension générale.

Tout ceci s'explique par la source de ces mesures. Il ne s'agit pas de lutter d'abord contre la pollution, mais surtout de satisfaire une idéologie. Les faits n'ont alors strictement aucune importance: ils peuvent pointer dans le même sens ou dans la direction opposée aux mesures sans impact sur celles-ci. On peut penser que les Parisiens, qui fréquentent assidûment un métro pollué par les particules de pneu et de métal, ne sont pas extraordinairement préoccupés par le niveau actuel de pollution aux particules à l'extérieur. Par contre, ils sont gênés par le trafic routier et ces gens qui viennent envahir les boulevards depuis la banlieue. Les électeurs sont aussi plus favorables qu'ailleurs aux thèses des Verts. La maire de Paris a alors tout intérêt à limiter par tous les moyens la circulation en dehors du périphérique.

30 novembre 2014

Du dieselisme passif

Mardi 25 novembre, les particules fines et le diesel ont refait surface dans les médias, toujours pour dénoncer l'ampleur scandaleuse de la pollution. Cela faisait suite à une présentation à la presse des résultats de mesures effectuées à l'aide d'un instrument embarqué à bord du ballon Generali qui flotte au-dessus du parc André Citroën, dans le 15ᵉ arrondissement de Paris. Cette fois-ci, la comparaison choc est que la pollution aux particules de moins de 1µm de diamètre équivalait aux dommages causés par le tabagisme passif.

Si on se rend sur le site de l'Institut National du Cancer, on constate que 1100 décès sont attribués chaque année au tabagisme passif sur l'ensemble de la France. Pourtant, il n'y a pas si longtemps, on nous annonçait que la pollution aux particules était responsable de 42000 morts par an en France, ce qui avait suscité mon premier billet sur le sujet. Les articles et la présentation affirment que les particules d'un diamètre de moins de 1µm sont les plus nocives. En conséquence, on ne peut que s'émerveiller des progrès rapides de la lutte contre la pollution aux particules, puisqu'en seulement 2 ans et demi, le nombre de décès a été divisé par un facteur 40. Malheureusement, il semble que personne n'ait remarqué ces progrès dans la presse, puisque les articles sont toujours aussi négatifs et appellent toujours à pourchasser le diesel. Cette estimation est même inférieure à celle à laquelle je m'étais risqué dans mes billets précédents.

De plus, le seul jour du 13 décembre 2013 semble concentrer le feu des critiques, alors que les mesures ont été effectuées entre septembre 2013 et août 2014 et qu'un autre épisode de pollution aux particules a eu lieu en mars 2014. Ce n'est guère étonnant: il s'est avéré par la suite que plus de la moitié des particules n'étaient pas dues à la combustion, mais aux activités agricoles, puisque 51% étaient composées de nitrate d'ammonium et seulement 11% dérivaient de l'usage de combustibles fossiles. En conséquence de quoi, il y a dû y avoir relativement peu de particules de moins de 1µm, car la combustion de matières — dérivés du pétrole, bois — provoque essentiellement l'émission de ces particules. Si d'autres causes sont responsables d'un pic de pollution, la proportion de particules de moins de 1µm est moindre. En mars dernier, le diesel était le premier accusé; qu'il soit apparu après coup que le diesel n'ait joué qu'un rôle marginal dans le pic de pollution n'a pas suscité de retour dans la presse.

Avec les diagrammes publiés sur le blog {sciences²} de Libération, on s'aperçoit que les concentrations varient d'un facteur 30 sur l'année de mesures. En moyenne sur l'année, les concentrations sont plus proches du minimum que du maximum constaté lors d'un pic de pollution: les pics de pollution sont de courte durée et ils comptent relativement peu dans la moyenne. Si on regarde le cas des particules de moins de 10µm, on s'aperçoit que la moyenne est de l'ordre de 2 fois le minimum (cf graphe ci-dessous) PM10_201309_201408.jpg Si on applique la même règle aux particules de moins de 1µm, au lieu d'un studio où on a brûlé 8 clopes, on trouve qu'en moyenne sur l'année, il y a autant de particules que si on avait brûlé 0.5 cigarette. Comme bien sûr on ne peut jamais atteindre le zéro équivalent-clope, il faut bien constater qu'on ne peut pas vraiment dire que la pollution à Paris est équivalente au tabagisme passif.

On peut aussi constater qu'une fois de plus, ce qui a été relayé dans la presse portait sur l'aspect négatif: rapporter la concentration de particules de moins de 1µm en termes de nombre est assez révélateur. En effet, les organismes de mesure de la pollution parlent plutôt en termes de masse globale des particules. Bien évidemment, une grosse particule va peser bien plus lourd qu'une petite: si la masse est proportionnelle au volume, une particule de 2.5µm pèse 15 fois plus qu'une particule de 1µm. On voit que le nombre de petites particules peut rapidement devenir proprement astronomique. Est-ce cela signifie qu'elles sont dangereuses à proportion de leur nombre? Pas forcément! Dans ce cadre, l'affirmation qu'aucun seuil réglementaire d’émissions n’a été encore fixé pour les nanoparticules relève du mensonge pur et simple: comme les normes anti-pollution s'attaquent à la masse de toutes les particules émises lors du test, quelque qu'en soient leurs tailles, les particules de moins de 1µm sont bien évidemment incluses. De plus, la norme Euro 6 impose une limite en nombre, dans le but de s'attaquer directement aux émissions de particules de moins de 0.1µm!

Comme d'habitude, cet évènement a été rapidement récupéré par les opposants au diesel. Il n'est besoin que d'observer que le fioul domestique, qui n'est rien d'autre du diesel auquel on a ajouté un colorant rouge, ne fait l'objet d'aucune mention. Or, l'usage du fioul pour se chauffer en hiver est bien mieux corrélé aux pics de pollution que la consommation de gazole! Inutile donc de rappeler aussi que la combustion du bois est le premier émetteur de particules de moins de 1µm, qu'en moyenne les 2/3 des particules en Île de France viennent d'ailleurs, que les normes anti-pollution mettent les voitures neuves essence et diesel au même niveau ou presque. Le mal est forcément le trafic parisien fortement diésélisé et il faut bannir les voitures diesel. Même si je considère que le diesel bénéficie d'un avantage fiscal infondé et que je suis favorable à l'alignement de la fiscalité du diesel sur celle du super 95, je remarque que la campagne de diabolisation du diesel est mensongère et s'attaque surtout à des problèmes qui se posaient il y a 20 ans.

16 mars 2014

L'activisme gouvernemental sur la pollution perdu dans le smog

Le smog qui flotte qui en ce moment sur la France pour cause de manque de vent en ce début de mars est l'occasion de la publication d'articles dénonçant l'inertie du gouvernement sur la question de la pollution atmosphérique. C'est l'occasion d'interroger d'anciens ministres de l'environnement, qui déclarent tous, sauf pour celui actuellement au gouvernement, avoir eu du mal à faire passer des mesures contre la pollution atmosphérique. On note aussi le retour des accusations envers le diesel, qui serait responsable de ces pics de pollution.

Rappelons quand même que la combustion du gazole routier ne représente qu'environ 10% des émissions de PM10 en France.

La forte baisse de la pollution, cet autre Boeing 777 qui a disparu des radars

Comme il s'agit de regarder ce qui a été fait depuis 20 ans, commençons par nous tourner du côté des émissions. Le CITEPA recense les émissions de polluants en France et compare aux engagements pris. On peut voir que la plupart des engagements pris ont été tenus. La consultations du site permet de construire le tableau suivant qui montre que les émissions ont fortement baissé en 20 ans, pour toutes sortes de polluants.

Polluant Évolution
2012/1995
Évolution
2012/2000
Évolution
2012/2005
SO₂ -74% -60% -45%
NOx -42% -38% -30%
PM10 -48% -38% -24%

Une critique souvent faite est qu'on ne constate pas de baisse pour les stations de mesures de polluants, notamment pour les particules. En effet, si on regarde la concentration moyenne, on voit que la concentration ne baisse que très lentement. Malgré la forte baisse des émissions, la baisse n'est que de quelques pourcents seulement. Airparif-PM10.jpg

Cependant, la faiblesse de cette baisse s'explique par le fait qu'une grande partie des PM10 présentes à un moment donné sur l'agglomération parisienne proviennent en fait d'ailleurs. Airparif estime cette proportion à 68%. Avec une telle proportion, on voit que faire baisser, même fortement, les émissions de particules en région parisienne n'aura qu'un faible effet sur la concentration moyenne. Airparif s'est essayé, dans un exercice prospectif, à modéliser la baisse de la concentration moyenne à attendre d'ici 2020 en fonction de la baisse des émissions. Dans le scénario tendanciel, les émissions dues au trafic routier, principal accusé dans les média, diminuent par rapport à 2008 de 50% pour les PM10 et 80% pour les PM2.5. baisse_emissions_trafic.jpg

Et voici les résultats qu'on peut en attendre sur la concentration moyenne, sachant que la modélisation a tendance à sous-estimer les concentrations. On constate des diminutions formidables, de l'ordre de … 5%! En fait, ce qui diminue fortement, c'est la hauteur des pics, qui, comme leur nom l'indique, ne durent pas longtemps et contribuent peu à la valeur moyenne. Mais ce sont sur ces pics qu'est basée la réalisation d'un certain nombre d'engagements. Comme leur durée et leur hauteur dépend aussi de conditions météo qui peuvent être extraordinaires et sur lesquelles nous n'avons aucune prise, on comprend qu'il en aura certainement de moins en moins de pics de pollution, mais probablement jamais zéro! baisse_concentration_fond.jpg

Un fort activisme réglementaire totalement ignoré

On peut aussi se retourner vers l'Union Européenne qui édicte depuis un certain temps déjà les normes à suivre en matière d'émission de polluants. Le mérite des décisions prises par l'Union et son organe exécutif, la Commission, doit en partie être attribué au gouvernement français puisqu'il en a approuvé la plupart. Et de ce côté on est gâté: les normes d'émissions des moteurs automobiles ont été durcies à 6 reprises depuis le début des années 90. La directive GIC (Grandes Installations de Combustion) est en train de forcer la fermeture de plus de la moitié du parc de centrales électriques au charbon en France d'ici à fin 2015. La directive IED (Émissions Industrielles) contraint les industriels à moins émettre de polluants et force par exemple la fermeture des 2/3 des centrales au fioul françaises, d'ici fin 2015 aussi.

Dans ces conditions, affirmer que le gouvernement ou les politiques ne font rien contre la pollution, c'est se moquer du monde.

Dénoncer tout le monde, sauf les coupables

Ces articles de dénonciation comme celui du Monde sur l'inertie du gouvernement sont aussi l'occasion de relayer un certain nombre de poncifs:

  1. Ainsi en est-il de l'accusation envers les agriculteurs pour l'utilisation d'engrais qui provoque l'émission de NOx. Or, l'usage d'engrais n'est responsable que de l'émission de 68kt annuelles de NOx, soit 10% de ce qu'on peut attribuer aux carburants, qui sont pour le coup les responsables archi-dominants des émissions.
  2. Si bien sûr au ras du pot d'échappement, le long des axes les plus fréquentés, le trafic routier est responsable de la plupart de la présence de particules, lorsqu'on regarde au niveau de l'agglomération parisienne dans son ensemble, le trafic routier est responsable d'autant d'émissions de particules que le chauffage au bois. On peut aussi remarquer qu'en moyenne seules 1/3 des particules dans l'air parisien sont produites localement.

Les pics de pollution aux particules se produisent tous en hiver, lorsqu'il fait beau et qu'il n'y a pas de vent. Ce fait montre que le gazole ne peut être le seul responsable: il existe aussi des jours de beau temps sans vent aux mois de mai, juin ou septembre, où il y a autant de trafic que les mois d'hiver. Ce qui provoque le dépassement des seuils d'alerte, c'est qu'en hiver, en plus du trafic routier, les chauffages sont allumés. Or, le fioul domestique — qui est à un colorant près le même combustible que le diesel — représente au niveau national entre la moitié et le tiers des émissions dues au diesel routier, alors que seuls 15% des logements sont encore chauffés au fioul. On voit là que les chaudières au fioul n'ont pas vu les normes les concernant être révisées à 6 reprises ces 20 dernières années. Le bois, quant à lui, représente entre 3 et 4 fois les émissions du diesel. C'est en vain qu'on cherchera une incrimination du chauffage dans l'article du Monde.

On voit là que ces dénonciations permettent d'éviter de s'attaquer à ce qui pose véritablement problème. Contrairement à ce qu'affirme Delphine Batho, s'attaquer aux vieux véhicules n'est pas que s'attaquer aux pauvres, c'est aussi s'en prendre aux véhicules les plus polluants, car relevant de normes dépassées et trop souvent déréglés. La faveur que rencontre ces vieux véhicules n'est d'ailleurs pas limitée aux pauvres: le premier ministre est propriétaire d'un Combi VW hors d'âge; on peut aujourd'hui se dire écologiste, être ministre et être propriétaire d'une 4L, forcément dépourvue de pot catalytique. S'attaquer au chauffage au bois signifie s'en prendre à de nombreux particuliers mais aussi freiner l'adoption du bois en remplacement d'autres modes de chauffage — quoiqu'il remplace souvent le fioul — pour lui préférer le gaz ou l'électricité. En ces temps où les énergies renouvelables sont portées au pinacle, ce serait inattendu. Les technologies qui permettent de ne pas émettre des particules existent bien, comme on le voit, cependant les personnes qui réclament le plus de mesures en ce moment ne sont pas spécialement favorables à l'augmentation de la production d'électricité en France — qui viendrait en ces moments de calme plat du nucléaire — ou de gaz — si on veut le produire localement, il ne reste guère que le gaz de schiste.

Au final, la diminution de la pollution est bien réelle en France et due en bonne part à un durcissement conséquent de la réglementation. Le bas niveau actuel de pollution est aussi dû à un certain nombre de choix politiques, comme le nucléaire et le choix du gaz pour le chauffage, qui ont accompagné le durcissement progressif des réglementations. Chercher des boucs émissaires comme dans ces articles de dénonciation ne fera qu'empirer les choses en menant sur des voies sans issue: le niveau de pollution est suffisamment bas pour que de mauvaises décisions se traduisent par une gêne pour les habitants sans réel gain voire une hausse de ce niveau.

3 mars 2013

Signé Furax: le diésel qui tue

Le 1er mars dernier, la Cour des Comptes a publié un référé pour faire des remontrances au gouvernement sur la question des taxes sur les carburants. En effet, le gouvernement n'inclut pas dans la liste des dépenses fiscales l'exonération du kérosène pour les avions, la fiscalité avantageuse du diésel ainsi que celle du charbon. Elle remarquait finement que taxer le diésel consommé par les particuliers comme le sans-plomb rapporterait presque 7G€ par an et faisait une allusion tout aussi fine au fameux chiffre de 42000 morts par an dus au diésel en France. Comme l'idée d'aligner la fiscalité du diésel sur celle du sans-plomb semble planer avec insistance, cela a amené le retour vengeur du diésel qui tue dans la presse. Comme je m'étais fendu d'un billet l'an dernier sur le sujet lors de la dernière poussée de fièvre sur le sujet, je me suis donc moi aussi décidé à faire un retour vengeur et à l'actualiser — entre autres à l'aide de ce billet-là — pour bien montrer qu'il n'y a absolument aucune chance pour que le diésel puisse causer 42000 décès chaque année en France.

Comme ce billet s'annonce long et que ton temps, ô lecteur, est certainement précieux, voici un résumé de ce qui va suivre.
Il n'y a aucune chance pour que le diésel soit la cause de 42000 morts par an en France pour les raisons suivantes:

  1. Ce chiffre était donné à l'origine pour l'ensemble des émissions de particules de moins de 2.5µm (PM2.5). Le diésel ne représente que 10% de ces émissions.
  2. Ce chiffre est calculé sur la base des émissions en l'an 2000. Depuis, les émissions ont baissé d'un tiers.
  3. Cette étude a eu une suite dont les conclusions conduisent, via une extrapolation linéaire très incorrecte, à pratiquement 3 fois moins de morts.
  4. Ce chiffre n'a pas la signification qu'on soit capable de relier les pics de pollutions aux morts. Il s'agit d'une donnée mathématique abstraite, qui est mieux exprimée en perte d'espérance de vie.
  5. Pour ce qui est de la liaison directe entre niveau de pollution et mortalité, on se risquera à une évaluation à la louche qui est d'environ 5000 morts pour l'ensemble de la pollution aux particules et de 1000 morts pour le diésel. J'estime même maintenant que c'est une évaluation maximale en ce qui concerne le diésel.

On s'essaiera ensuite à une exégèse de la communication gouvernementale sur le sujet dont il va ressortir qu'il s'attaque au sujet de la fiscalité du diésel par la face de la santé publique par opportunisme et manque d'autres choix. Il s'est en effet fermé diverses portes par ses déclarations précédentes. Ce qui n'est guère étonnant vue l'incompétence dont il a fait preuve jusqu'ici, incompétence largement due au manque de travail sérieux sur les questions énergétiques lorsque le PS était dans l'opposition — ce qui est, accessoirement, un thème récurrent sur ce blog.

Pourquoi le diésel ne peut tout se prendre sur le dos

Commençons par le début: le chiffre de 42000 morts est donné sur le site du ministère de l'environnement comme valable pour l'ensemble de la pollution aux PM2.5. On nous donne aussi la source, le programme CAFE, on y revient plus loin. Pour l'instant, une évidence s'impose: le diésel n'est peut-être pas le seul émetteur de PM2.5. S'il était responsable de la majeure partie des émissions, on pourrait presque tout lui mettre sur le dos; au contraire, s'il n'est qu'un émetteur marginal, c'est gonflé. De plus, le programme CAFE se base sur les émissions de l'an 2000, il faudrait donc tenir compte de l'évolution de la situation puisque ce billet est rédigé en 2013. Par chance, la France dispose d'un organisme qui recense et évalue toutes sortes de pollutions atmosphériques, dont les PM2.5, le CITEPA. Il publie chaque année un rapport qui les compile. On peut alors en tirer cette figure (p90) Émissions de particules de moins de 2.5µm en France On peut voir sur ce graphe que les émissions ont baissé d'un tiers entre 2000 et 2011. Le modèle menant au chiffre honni étant linéaire, le nombre de morts devrait déjà être ajusté d'autant. Mais il y a mieux: on voit distinctement que le transport routier ne compte que pour 19% des émissions totales. Rien qu'avec ça, je peux affirmer qu'il est strictement impossible que le diésel tue 42000 personnes par an en France. Si on continue la lecture de ce précieux tome, on tombe p224 sur un superbe tableau qui détaille les émissions par combustible. Répartition des émissions de PM2.5 par combustible

On y voit que le diésel seul représente 25kt, contre 250kt de PM2.5 émises chaque année. Le biodiésel n'ajoute que 2kt. Dit simplement, le diésel ne représente que 10% des émissions totales de PM2.5. Le reste des émissions du secteur des transports est dû marginalement à l'essence, de façon plus importante à des choses comme l'usure des pneus. Mettre sur le dos du diésel l'ensemble des morts est donc sérieusement gonflé. On constate aussi une particularité des émissions de PM2.5: les premiers émetteurs sont liés au chauffage des locaux avec 39% des émissions liés aux secteurs résidentiel et tertiaire. Le tableau détaillant par combustible nous dénonce 2 autres coupables: le fioul domestique et ... le bois qui émet à lui tout seul quasiment 4 fois plus de PM2.5 que le diésel, concentrés lors des mois froids de l'année.

Mais ce n'est pas tout. Si on se limite aux particules de moins de 1µm, on se limite en fait aux émissions dues au combustible utilisé et on élimine les émissions dues à l'usure. On constate (tableau p205) que les poids lourds émettent 6kt sur 27. Il est laissé à la sagacité du lecteur de savoir si les poids lourds seront concernés par une éventuelle hausse des taxes sur le diésel. Il ne semble pas non plus qu'on empêche les poids lourds de rouler au diésel dans un avenir proche. PM_moytransport.jpg Bref: une éventuelle hausse des taxes sur le diésel ne concernerait que 8% des émissions de PM2.5.

D'où sortent ces 42000 morts?

L'autre point frappant, c'est que 42k morts représentent une part importante de la mortalité en France, c'est presque 8% des décès constatés chaque année. Pour fixer les idées, on estime qu'il y a 60k décès liés au tabagisme et qu'il cause 80% des décès par cancer du poumon. Comme les effets du tabagisme et des particules ne doivent pas être bien différents, il y a un problème de concurrence entre ces deux causes: il n'y a pas assez de morts de maladies respiratoires ou cardiaques pour qu'il n'y ait pas de recouvrement entre causes. Dit autrement, si on additionnait tous les morts qu'on lie à une cause quelconque en France, on aboutirait à une somme supérieure au nombre total de décès annuels en France. D'une certaine façon, il y a des gens qu'il faut tuer plusieurs fois avant qu'ils ne soient définitivement répertoriés comme morts.

En l'occurrence, ce chiffre sort à l'origine d'un programme européen, CAFE. Le chiffre de 42000 figure dans ce fichier excel à la ligne «morts prématurées». Les conclusions de ce programme ont fait par la suite l'objet d'un document de l'OMS. Une lecture cursive du fichier excel ainsi que du document de l'OMS montre d'ailleurs une caractéristique bizarre: il y a plus de morts — 350k/an au niveau de l'Europe — que d'admissions à l'hôpital — 100k/an — pour la même cause (pXII du document de l'OMS). Si ces morts étaient conformes à l'idée naïve qu'on peut s'en faire, ce serait l'inverse: aux dernières nouvelles, on ne laisse pas les gens mourir chez eux sans rien tenter en Europe de l'Ouest. Surtout quand il s'agit de gens qui ont des problèmes respiratoires et vont certainement demander de l'aide. Il est remarquable que ce «détail» n'ait pas eu l'air d'alerter grand monde sur la signification de ce chiffre.

Le programme CAFE a consisté à modéliser la présence de PM2.5 sur l'Europe pour en déduire un certain nombre de conséquences sur la santé à long terme. On a découpé l'Europe en cases, où on pouvait assigner une concentration moyenne en PM2.5 et la population y vivant. À partir de là, le nombre de morts y est calculé en prenant la concentration en PM2.5 (exprimée en µg/m³) et la multipliant par le taux de 0.6% par µg/m³ ainsi que le nombre de décès dans une case. Ce qui revient à dire qu'il y a à long terme un excès de mortalité de 0.6% par µg/m³ de PM2.5. Tout ceci est expliqué dans la notice méthodologique (p57). Il y est dit que cette méthode est ... fausse et qu'elle surévalue notoirement le nombre de morts. Mais qu'elle est utilisée parce qu'elle est facile à mettre en œuvre et rend un résultat facile à comprendre ou, autrement dit, pour des raisons publicitaires. À la page suivante, il nous est clairement dit que la méthode préférée est de compter en termes d'années d'espérance de vie perdues, surtout que la méthode est destinée à faire des évaluations de politiques, menées ou à mener, en fonction de la valeur d'une année d'espérance de vie. La vraie question à laquelle le programme CAFE voulait répondre, c'est de savoir de combien de temps la mort est-elle hâtée, en moyenne, par la faute des particules.

L'autre biais est celui du double comptage: sauf erreur de ma part, il n'y a aucun contrôle pour des comportements individuels comme le tabagisme. Ça favorise aussi l'emploi d'un modèle linéaire. Imaginons que la population soit divisée en 2 catégories, les non-fumeurs, pour qui il existe un seuil en deçà duquel les particules n'ont pas d'effet, et les fumeurs, pour qui toute concentration de PM2.5 hâte des décès parce que le seuil est dépassé à cause du tabagisme. Dans ce cas, toute concentration de PM2.5 va hâter des décès pour l'ensemble de la population puisqu'on aura un mélange indiscernable de fumeurs et de non-fumeurs. À long terme, si un fumeur meurt d'une affection respiratoire, et que les particules n'ont d'effet que sur eux, dira-t-on qu'il est mort du tabac ou des particules? On peut aussi constater que, dans ce cas, la meilleure façon de lutter contre la mortalité par les particules peut devenir … la lutte contre le tabagisme. Un biais supplémentaire est l'effet mémoire: les niveaux de pollution aux particules ont fortement baissé depuis les années 70s, mais nombre de ceux en vie à cette époque sont toujours vivants aujourd'hui. Ces études à long terme observent donc en partie les effets de la pollution du temps jadis. Les émissions de particules ont été divisées par 2 depuis 1990, et l'usage du charbon — autre émetteur de particules historiquement important en Europe et très actuel en Chine — a fortement diminué depuis les années 70s et les centrales à charbon ou au fioul dotées de filtres. Et on peut donc dire que le nombre de morts annoncés n'a rien à voir et est nettement plus élevé que ce qu'on entend généralement par mort à cause de....

De plus un autre programme a succédé à CAFE, Aphekom. Les résultats du programme en ce qui concerne la France ont été chroniqués ailleurs: cette fois-ci, en étudiant des agglomérations rassemblant 12M d'habitants, on ne trouve que 2900 décès attribuables, pour les niveaux de pollution de 2004 à 2006. À la différence de CAFE, ce programme considère qu'il y a un seuil à 10µg/m³ et attribue la diminution de l'espérance de vie à la partie de la concentration dépassant ce seuil. Pour Paris, le site d'Airparif nous dit que ça correspond à une perte de 6 mois. On peut aussi voir que, d'un programme à l'autre l'évaluation, si on l'extrapole violemment par une règle de 3 à l'ensemble de la population française, est passée à 15000 morts. Sans que ceux-ci soient tellement plus rattachables à leur cause que les morts du programme CAFE.

Pour relier directement les effets des particules aux morts, il y a les études à court terme qui lient les hospitalisations et les décès aux pics de pollution pour voir quelle est la variation et en tirer une relation entre concentration de polluants et morts. Un autre document de l'OMS nous donne la relation à court terme (p257): une augmentation des décès de 0.6% tous les 10µg/m³, un facteur 10 de moins que les effets à long terme. On trouve donc à la louche un ordre de grandeur de 5000 décès directement imputables aux particules par an en France dont seulement 1000 maximum peuvent à la rigueur être imputés au diésel, mais plus probablement 500, puisque le diésel ne compte que pour 10% des émissions.

Pourquoi le gouvernement utilise-t-il cet argument?

On peut maintenant se tourner sur les raisons pour lesquelles le gouvernement utilise l'argument de la santé publique pour vouloir pousser une hausse des taxes sur le diésel et les aligner sur celles de l'essence. La première raison, c'est qu'ils croient sincèrement que le diésel fait des morts tous les ans en France. Sans doute pas 42000, sans quoi on aurait des réactions plus violentes comme la recherche d'une interdiction pure et simple des rejets de particules. C'est la politique qui a été menée avec le durcissement constant des normes portant non seulement sur les moteurs d'automobiles, mais aussi sur les installations industrielles comme les centrales au charbon. Aujourd'hui, les filtres à particules des véhicules diésel filtreraient plus de 99% des particules (source: communication de l'Académie de médecine, p3-4). Le problème pourrait donc se régler de lui-même au fur et à mesure du renouvèlement du parc, quitte à le lier à un durcissement du contrôle technique. Comme on l'a noté plus haut, le bois et le fioul domestique constituent aussi une source importante de PM2.5, puisque le bois représente à lui seul 4 fois les émissions de PM2.5 du diésel. À ce sujet, il me souvient d'avoir entendu, dans la même interview de 10 minutes, l'inénarrable Jean-Vincent Placé fustiger le diésel pour ses émissions de particules et porter au pinacle le chauffage au bois. On le voit, il y a une certaine dichotomie entre la réalité de la pollution aux particules et sa représentation dans le discours public. Toutefois, on s'aperçoit que les feux de cheminée sont aussi dans le collimateur en région parisienne. Dans l'article du Parisien, on pouvait lire la réaction appropriée d'une vice-présidente Verte du conseil régional:

« Il n’est pas question de créer une police des feux de cheminée, mais d’alerter tous ceux qui utilisent ce moyen de chauffage sans connaître son impact », réagit Hélène Gassin, vice-présidente (EELV) du conseil régional d’Ile-de-France. « Mais, prévient-elle, il ne faudrait pas se focaliser sur la chasse aux foyers ouverts et laisser les particules de bois cacher la forêt du diesel. »

Au total, il ne me semble pas que les propositions de taxation du diésel pour cause de particules soient particulièrement crédibles dans ces conditions! Les politiques deviendront crédibles sur ce sujet lorsqu'ils proposeront une taxe sur le bois — très probable en cette époque.

Les raisons du retour de l'idée d'aligner les fiscalités de l'essence et du diésel sont donc en partie à chercher ailleurs. Par exemple, Jérôme Cahuzac disait lundi dernier qu'il faudrait trouver 6G€ l'année prochaine, une somme très proche des 7G€ que rapporterait l'alignement des fiscalités. Je constate aussi que les taxes sur le carburants sont presque les seules à n'avoir pas été augmentées dans ce cycle d'austérité. D'autre part, la France entend réduire sa consommation de pétrole, à la fois pour des raisons géopolitiques — le peak oil — et climatiques — puisque la combustion du diésel dégage fatalement du CO₂. Pour cela, il faudra sans doute augmenter de façon conséquente la fiscalité des carburants.

Mais le gouvernement ne peut le dire directement: on a eu droit à un épisode qui a conduit à baisser temporairement les mêmes taxes cet été. Le gouvernement y a été poussé car il s'est fait fort de stopper la hausse du prix des carburants lors de la dernière campagne électorale. Et ce, alors même que les problèmes climatiques et d'approvisionnement pétrolier sont connus depuis longtemps. Le gouvernement s'est donc lié les mains et ne peut plus justifier une hausse des taxes sur les carburants par le besoin de financement de l'état, les problèmes climatiques ou d'approvisionnement. Il ne peut donc plus qu'utiliser des moyens détournés pour arriver à ses fins. La mise en cause du diésel sur le plan sanitaire semble donc représenter une bonne occasion pour enfin réaliser cet objectif. Car enfin, cet objectif d'alignement des fiscalités est légitime: le diésel ne présente aucun avantage sanitaire par rapport à l'essence, émet la même masse de CO₂ par litre brûlé, la différence de consommation étant désormais couverte par le système de bonus-malus. Tout devrait pousser à cet alignement. Mais faute de l'avoir dit dans la campagne électorale voire avant, le gouvernement en est réduit à chercher une issue de secours. Cette voie n'est pas sans danger, car une fois qu'on a mis en cause les effets sanitaires du diésel aujourd'hui, on risque des réactions épidermiques complètement déconnectées de la dangerosité réelle du carburant.

Finalement, tout cela a un air de déjà vu: ces contorsions sont du même tonneau que celle qui entouraient la tarification progressive de l'énergie. Comme on n'avait pas bossé le sujet dans l'opposition ni eu la sincérité d'exposer la situation telle qu'elle est, on s'est fermé la voie vers des solutions intelligentes.

15 juin 2012

Le diesel cause-t-il 42000 morts en France chaque année?

Nota bene: ce billet connait une suite depuis mars 2013.

Depuis quelques temps circule l'idée selon laquelle le diesel ferait 42000 morts par an en France. On en retrouve la trace par exemple dans cet article de l'Express ou cet autre du Parisien. Tout cela accompagne la publication d'une nouvelle monographie du CIRC confirmant le caractère cancérogène des gaz d'échappements des moteurs diesel: ils provoquent des cancers du poumon.

En fait, la véritable estimation semble être que ce sont les émissions de particules fines — de moins de 10µm — dans leur ensemble qui sont à l'origine des 42000 morts. C'est ce qu'on comprend à la lecture de cet article du Figaro. L'indispensable site du CITEPA fournit des données sur les émissions de particules, ventilées par secteurs responsables. On trouve dans le rapport de 2012 ce graphe: Émissions de particules de moins de 2.5µm en France On s'aperçoit que les transports routiers ne sont responsables que de 19% des émissions de particules, derrière par exemple le chauffage des bâtiments — à cause du fioul et du bois — avec 39%. On peut en déduire que le diesel ne peut être impliqué que pour environ 8000 morts, soit 5 fois moins que ce donne à penser la presse.

L'autre question est de savoir si l'estimation de 42000 morts pour l'ensemble des émissions de particules fines est crédible. On peut commencer par consulter le site de l'OMS qui nous offre une superbe carte de la mortalité due à la pollution de l'air extérieur. On y voit que l'estimation est de 7500 morts pour l'année 2008, réparti entre un quart de cancers du poumon et le reste sur les autres maladies non infectieuses. Les particules fines constituant un sous-ensemble de la pollution atmosphérique, le nombre de morts causé par les particules devrait logiquement être inférieur. On peut aussi constater qu'en France, on constate 550k décès par an environ: 42k morts, c'est presque 8% du total, c'est-à-dire une cause particulièrement importante. Pour comparer, on estime souvent que le tabagisme provoque 60k morts chaque année, avec cette fois-ci des cancers bien identifiés, puisqu'on estime qu'environ 80% des décès par cancer du poumon y sont liés. Comme dit dans la brochure de l'Institut National du Cancer et comme on peut le vérifier dans la base du CépiDc, il y a environ 30k décès des suites du cancer du poumon en France, ce qui laisse 6000 cancers du poumon causés par autre chose, ce qui est compatible avec l'estimation de l'OMS citée plus haut.

Ces considérations sur le cancer du poumon rendent déjà peu crédible le chiffre de 42k morts à cause des particules. Même en comptant que tous les cancers du poumon qu'on ne peut pas attribuer au tabac soient dus aux particules, cela laisse plus de 85% des décès à trouver dans d'autres maladies. Les conséquences de l'exposition aux particules doivent pourtant être similaire à l'amiante par exemple: des petites particules qui s'enfoncent profondément dans les bronches et y restent. Les cancers devraient représenter une part relativement importante des décès. On peut aussi additionner les décès des catégories qui semblent se rapporter au problème des particules. Si on additionne les décès dus aux maladies cardiovasculaires, aux maladies respiratoires et aux cancers des voies respiratoires, on obtient environ 200k décès: les particules représenteraient 20% de ces décès, alors même que d'autres causes comme le tabac, l'alcool ou encore les régimes alimentaires (cholestérol) sont des causes connues et très répandues de ces maladies. Bref, il semble peu probable qu'il y ait vraiment 42k morts.

Reste donc à se tourner vers la source de l'information. Apparemment, le ministère de l'Écologie donne ce chiffre comme résultant de la pollution aux particules de moins de 2.5µm ainsi que sa source. Cette donnée trouverait donc sa source dans un rapport d'un programme européen chargé entre autres d'établir des seuils en vue de l'élaboration des règles européennes. On trouve effectivement ce nombre dans un tableau excel, il résulte donc d'un modèle mathématique, c'est la donnée des morts prématurées chez les plus de 30 ans, pour l'année 2000. On note que cette donnée est plus grande que le total des admissions dans les hôpitaux, ce qui me semble surprenant. Depuis les émissions ont baissé, donc même en admettant ce chiffrage, le nombre de morts est environ 1/3 plus bas aujourd'hui. Par ailleurs, si on regarde dans le document de référence de l'OMS sur le sujet de la pollution atmosphérique, les ordres de grandeurs sont de l'ordre de 1% de morts en plus pour une augmentation de la concentration moyenne de particules de 10µg/m³ (p257). L'ordre de grandeur de la concentration moyenne en particules à Paris est de 20µg/m³ d'après Airparif. On peut supposer que l'agglomération parisienne est fortement touchée par le phénomène vue la densité de population. Ce qui amène à penser que la pollution aux particules est la cause de moins de 1% des morts en France: en gros, il y aurait un 0 en trop dans le chiffre de l'étude mandatée par la Commission européenne ... qui s'est donc retrouvé dans les média ces derniers jours.

Pour conclure, non, le diesel ne cause pas 42000 morts par an en France. Il est en fait plus probable que toute la pollution aux particules provoque moins de 5000 morts par an. Le diesel en représente en gros 20%, soit mettons 1000 morts par an. Et si on veut vraiment réduire les effets de la pollution aux particules, le mieux serait sans doute de faire la chasse au chauffage au fioul ... et au bois!