Le diesel cause-t-il 42000 morts en France chaque année?
Par proteos le 15 juin 2012, 00:53 - Pétrolages - Lien permanent
Nota bene: ce billet connait une suite depuis mars 2013.
Depuis quelques temps circule l'idée selon laquelle le diesel ferait 42000 morts par an en France. On en retrouve la trace par exemple dans cet article de l'Express ou cet autre du Parisien. Tout cela accompagne la publication d'une nouvelle monographie du CIRC confirmant le caractère cancérogène des gaz d'échappements des moteurs diesel: ils provoquent des cancers du poumon.
En fait, la véritable estimation semble être que ce sont les émissions de particules fines — de moins de 10µm — dans leur ensemble qui sont à l'origine des 42000 morts. C'est ce qu'on comprend à la lecture de cet article du Figaro. L'indispensable site du CITEPA fournit des données sur les émissions de particules, ventilées par secteurs responsables. On trouve dans le rapport de 2012 ce graphe: On s'aperçoit que les transports routiers ne sont responsables que de 19% des émissions de particules, derrière par exemple le chauffage des bâtiments — à cause du fioul et du bois — avec 39%. On peut en déduire que le diesel ne peut être impliqué que pour environ 8000 morts, soit 5 fois moins que ce donne à penser la presse.
L'autre question est de savoir si l'estimation de 42000 morts pour l'ensemble des émissions de particules fines est crédible. On peut commencer par consulter le site de l'OMS qui nous offre une superbe carte de la mortalité due à la pollution de l'air extérieur. On y voit que l'estimation est de 7500 morts pour l'année 2008, réparti entre un quart de cancers du poumon et le reste sur les autres maladies non infectieuses. Les particules fines constituant un sous-ensemble de la pollution atmosphérique, le nombre de morts causé par les particules devrait logiquement être inférieur. On peut aussi constater qu'en France, on constate 550k décès par an environ: 42k morts, c'est presque 8% du total, c'est-à-dire une cause particulièrement importante. Pour comparer, on estime souvent que le tabagisme provoque 60k morts chaque année, avec cette fois-ci des cancers bien identifiés, puisqu'on estime qu'environ 80% des décès par cancer du poumon y sont liés. Comme dit dans la brochure de l'Institut National du Cancer et comme on peut le vérifier dans la base du CépiDc, il y a environ 30k décès des suites du cancer du poumon en France, ce qui laisse 6000 cancers du poumon causés par autre chose, ce qui est compatible avec l'estimation de l'OMS citée plus haut.
Ces considérations sur le cancer du poumon rendent déjà peu crédible le chiffre de 42k morts à cause des particules. Même en comptant que tous les cancers du poumon qu'on ne peut pas attribuer au tabac soient dus aux particules, cela laisse plus de 85% des décès à trouver dans d'autres maladies. Les conséquences de l'exposition aux particules doivent pourtant être similaire à l'amiante par exemple: des petites particules qui s'enfoncent profondément dans les bronches et y restent. Les cancers devraient représenter une part relativement importante des décès. On peut aussi additionner les décès des catégories qui semblent se rapporter au problème des particules. Si on additionne les décès dus aux maladies cardiovasculaires, aux maladies respiratoires et aux cancers des voies respiratoires, on obtient environ 200k décès: les particules représenteraient 20% de ces décès, alors même que d'autres causes comme le tabac, l'alcool ou encore les régimes alimentaires (cholestérol) sont des causes connues et très répandues de ces maladies. Bref, il semble peu probable qu'il y ait vraiment 42k morts.
Reste donc à se tourner vers la source de l'information. Apparemment, le ministère de l'Écologie donne ce chiffre comme résultant de la pollution aux particules de moins de 2.5µm ainsi que sa source. Cette donnée trouverait donc sa source dans un rapport d'un programme européen chargé entre autres d'établir des seuils en vue de l'élaboration des règles européennes. On trouve effectivement ce nombre dans un tableau excel, il résulte donc d'un modèle mathématique, c'est la donnée des morts prématurées chez les plus de 30 ans, pour l'année 2000. On note que cette donnée est plus grande que le total des admissions dans les hôpitaux, ce qui me semble surprenant. Depuis les émissions ont baissé, donc même en admettant ce chiffrage, le nombre de morts est environ 1/3 plus bas aujourd'hui. Par ailleurs, si on regarde dans le document de référence de l'OMS sur le sujet de la pollution atmosphérique, les ordres de grandeurs sont de l'ordre de 1% de morts en plus pour une augmentation de la concentration moyenne de particules de 10µg/m³ (p257). L'ordre de grandeur de la concentration moyenne en particules à Paris est de 20µg/m³ d'après Airparif. On peut supposer que l'agglomération parisienne est fortement touchée par le phénomène vue la densité de population. Ce qui amène à penser que la pollution aux particules est la cause de moins de 1% des morts en France: en gros, il y aurait un 0 en trop dans le chiffre de l'étude mandatée par la Commission européenne ... qui s'est donc retrouvé dans les média ces derniers jours.
Pour conclure, non, le diesel ne cause pas 42000 morts par an en France. Il est en fait plus probable que toute la pollution aux particules provoque moins de 5000 morts par an. Le diesel en représente en gros 20%, soit mettons 1000 morts par an. Et si on veut vraiment réduire les effets de la pollution aux particules, le mieux serait sans doute de faire la chasse au chauffage au fioul ... et au bois!
Commentaires
Il y a un point que je vais critiquer, c'est l'a-priori que la majorité des morts de la pollution atmosphérique seraient par cancer.
Dans ce rapport du WHO qui les évalue à 2 millions de morts par an http://www.who.int/mediacentre/news... la liste des maladies concernées comprend aussi en particulier les maladies cardiques, l'asthme, et les détresses respiratoires.
Il faut préciser que ce type de chiffres de "morts" est plutôt des morts prématurées, et se représente de manière beaucoup honnête et précise sous la forme d'années de vie perdues. C'est à dire que l'image du type en parfaite santé qui respire de l'air pollué et tombe raide mort est totalement fausse, et que l'effet est plutôt quelquechose qui s'ajoute à un ou des problèmes déjà existant et accélère légèrement le décès. Dans ces conditions, on peut bel et bien avoir des années, ou des mois, perdus sans que la personne concernée apparaisse dans les hospitalisations. La perte de chance de pouvoir vivre un peu plus longtemps reste bien réelle.
Enfin il y a aussi une part des décès qui se recoupent sur plusieurs causes, parmi les fumeur exposés à la pollution, une partie aurait pu éviter le cancer *à* *la* *fois* en arrêtant de fumée, et évitant la pollution. Du coup ils apparaissent à la fois dans les 2 catégories, sans que ce soit une erreur, vu que 2 méthodes différentes aurait statistiquement évité ce décès.
Bref si les références citées montrent bien que le chiffres de 42000 morts est bien douteux, le fait qu'il soit très nettement supérieur au nombre de cancer directement attribuables à cette cause ne prouve pas par contre qu'il soit faux. On remarquera par contre que pour la cigarette la plupart des calculs de mortalité n'incluent par vraiment ce type d'effet, certainement du fait que rien que la mortalité directe est énorme. Je ne sais pas d'ailleurs si les chiffres de mortalité du tabac en général incluent les infarctus, alors que là l'effet est direct (stimulation du débit sanguin par l'action de la nicotine, de temps en temps c'est le facteur qui déclenche l'infarctus)
J'ai relu un peu plus attentivement l'article, dans mon commentaire au-dessus, j'ai surtout régit par rapport à quelques mots clés, sur les effets qui serait à comparer à l'effet cancérigène de l'amiante, sur l'incompréhension que le nombre de morts puisse être supérieur aux hospitalisation. D'après ce que j'ai compris de CAFE (que j'ai déjà étudié pour essayer d'évaluer ce qu'il signifie pour le nombre de morts dus à l'utilisation du charbon), le cancer n'est probablement pas l'effet principal, et CAFE exprime les conséquence d'abord en année de vie perdues, avant d'utiliser une formule pour transformer cela en des morts statistiques.
La pollution au diesel s'est effectivement bien améliorée par rapport à 2000 qui est l'année de référence de CAFE. Il reste au total un écart fort entre les chiffres de CAFE et le document de référence de l'OMS, alors même que l'introduction de ce document indique qu'il s'agit d'une mise à jour suite à CAFE, pour intégrer les découvertes de CAFE dans les recommandations de l'OMS ! Il faudrait lire plus attentivement pour comprendre.
Au passage oui à la chasse au chauffage au fioul et au bois, chauffage au bois qui est reconnu comme une très forte source de pollution en Europe de l'est où il est largement utilisé. Même avec les meilleurs filtres on ne peut bloquer toutes les particules, et sur les installations individuelles, il est de toute façon impossible de garantir un entretien suffisant pour un filtrage de niveau élevé. Une recommandation d'utiliser du chauffage individuelle sur base de biomasse à la place de l'électrique serait donc particulièrement inconséquente de ce coté ...
Je suis d'accord qu'on peut trouver plusieurs cause à une mort. Mais dans le cas présent, c'est quand même étrange que la pollution par un polluant en particulier soit presqu'au même niveau que le tabac! Il faut aussi laisser de la place pour les autres polluants et pour les 'simples' maladies infectieuses. Ce qui fait qu'en cause directe, on doit plutôt trouver une fraction des 7500 morts en France par pollution atmosphérique donnés par l'OMS. C'est nettement plus crédible. La méthode est de regarder le surplus de morts les jours pollués. Je remarque aussi qu'on a là un superbe modèle linéaire sans seuil avec un effet déterminé pour un certain supplément étendu à la dose de base!
Cela dit je suis aussi d'accord, qu'en termes d'outil de décision pour déterminer un seuil de pollution, raisonner sur les années de vie perdue est la meilleure façon de procéder.
J'ai également bondi à l'écoute des reportages et à la lecture des articles sur ces 42 000 morts par an à cause du Diesel. Notamment parce que je sais par ailleurs que les chaudières à bois à foyer ouvert sont bien plus émettrices de particules fines que les moteurs Diesel (d'une analyse faite à Lyon il y a quelques années, j'avais retenu un ratio 2/3—1/3 en ordre de grandeur entre les deux : le graphique en haut de ce billet semble le confirmer).
Et les intervenants techniques interrogés par les journalistes sont impressionnants de partialité (celui de l'article du Parisien est à en rester bouche bée. J'adore la phrase définitive «Ceux qui roulent peu, moins de 10000 km par an, et ils sont nombreux, ne devraient jamais rouler avec un diesel. C’est criminel.» : il ne viendrait pas à l'esprit de ce monsieur que l'on puisse ne prendre sa voiture qu'une seule fois dans la semaine, le week-end, pour faire 40 ou 50 km d'un coup (enfin, 80 ou 100 km en deux fois, du coup : il y a l'aller, puis le retour), ou bien pour aller en vacances et faire 800 ou 1000 km d'un coup. Non : moins de 10 000 km par an, c'est forcément parce qu'on prend sa voiture pour aller acheter sa baguette, ses clopes ou son journal au coin de la rue ! Mais bon, c'est un «expert» : il est forcément impartial...)
Encore une preuve que les journalistes, dans les faits, n'informent pas la population : ils reprennent et mettent en avant ce qui est conforme à leur propre idéologie et à leurs propres croyances (et aussi à leurs propres peurs). Quitte à déformer le message de la source originelle au moment d'interroger un «expert», d'ailleurs. Je ne sais pas vous, mais moi, ça me désespère...
Sur ce coup-là, je n'incriminerais pas les journalistes. D'une part, parce qu'en lisant bien les articles on s'aperçoit que le diesel n'est pas le seul émetteur de particules. D'autre parce que, cette fois, l'information est officielle et diffusée par l'état. Ils pourraient certes mener un raisonnement par ordre de grandeur, mais je ne pense pas que ça soit compatible avec la réalité du métier de journaliste.
Le site du CITEPA n'est sans doute pas très connu pour faire la part des choses entre les différentes origines des polluants. Mieux vaut donc en faire la pub que juste se plaindre!
La déclaration de l'expert sur les petits trajets des gens ne me choque pas: après tout, les discours généraux s'appliquent en fait à la situation la plus commune qui est bien celle qu'il donne. Dire que c'est criminel est par contre nettement plus idéologique.
Il y a d'excellentes raisons de vouloir moins de diesel en France, mais les morts de la pollution n'en est pas vraiment une!
Et oui, ce chiffre toujours repris de 42 000 morts par la faute du diesel m'intéresse aussi, et plus encore depuis que j'ai entendu un des élus de ma bande de motards grognons, par ailleurs conducteur d'autobus dans une grande agglomération, le reprendre sans sourciller. Le fait, d'évidence, qu'il paraît assez peu raisonnable d'attribuer, aujourd'hui, à la pollution atmosphérique en général, 8 % des décès en France n'émeut pas grand monde. Camoufler l'argument d'autorité sous la vertu réputée infaillible du chiffre reste le meilleur moyen de justifier ses arguments.
Mais ça n'empêche pas d'être plus subtil, et de jouer - en toute connaissance de cause quand l'argumentation vient du ministère du développement durable - de la confusion entre mort, mort prématurée - que l'INSEE, et c'est la seule définition valide de la notion, définit toujours comme un décès avant l'âge de 65 ans - et réduction de l'espérance de vie. Un excellent récapitulatif d'AIRPARIF (http://www.airparif.asso.fr/polluti...) plein de lien utiles compare ainsi le gain d'espérance de vie à attendre d'une réduction des émissions de particules au niveau recommandé par l'OMS : pour Paris, il est de moins de six mois, et c'est à ce gain que se résument ces 42 000 morts.
J'ajouterai que, dans les faits, charbon et bois causent bien quantité de morts chaque année, enfin, réduisent significativement l'espérance de vie : mais cela se passe dans les pays les plus pauvres, où l'on fait la cuisine en intérieur sur des fourneaux traditionnels, et on n'en parle guère.
Merci pour le lien vers les explications d'Airparif, elles confirment ce que je raconte: les morts réellement constatables (et encore) sont de l'ordre de, voire inférieurs à, +1% pour +10µg/m³.
Il y a aussi toutes les estimations qu'on peut faire sur les problèmes dus au trafic routier: j'ai du mal à avaler qu'à Barcelone un tiers des bronchites chroniques soient dues au fait d'habiter près des voies de circulation à fort trafic. Je me demande s'il n'y a pas un bon gros biais sous la forme d'une cause commune entre habiter près des axes passants (où ça doit être moins cher) et les causes de mauvaise santé tout court.
Le bois (et la biomasse en général avec des combustibles comme les bouses de vache) et le charbon sont en effet des tueurs bien connus. Ils sont suffisamment nocifs pour qu'on s'en soit débarrassé par chez nous: on en a les moyens et les gens remarquent vite que le gaz, c'est plus propre. Et c'est tellement plus agréable de faire du feu dans une cheminée qui tire bien... On peut aussi remarquer qu'ironiquement, si on prend au pied de la lettre ces déclarations catastrophistes sur la pollution aux particules, le barbecue tue sans doute énormément en France!
le diesel est interdit au japon en amérique.A mediter(!)
Le diesel, interdit aux USA? Alors pourquoi trouve-t-on ce genre de page sur un site de l'administration?
Blague à part, le diesel & autres fuels lourds sont des types de carburants qu'on fabrique obligatoirement lors du raffinage. On peut ajuster les quantité par rapport à l'essence (& autres carburant plus légers), mais on en a toujours, comme le montre ce document de l'UFIP. En Europe la situation est telle qu'on est obligé d'exporter de l'essence car la proportion de voiture de diesel est exceptionnellement élevée à cause d'une fiscalité favorable à ce carburant. Mais partout dans le monde, le diesel est utilisé. D'abord dans par les camions & autres poids lourds, mais aussi par les véhicules légers, mais lorsqu'il n'y a pas de fiscalité avantageuse, seuls ceux qui roulent beaucoup et donc qui y ont un intérêt net l'utilisent.
À méditer, sans doute.
Tout à fait d'accord pour trouver le nombre de 42 000 exagéré
Tout à fait d'accord aussi pour penser que les morts en question sont probablement en grande partie des morts anticipées de quelques mois de grands malades
je ne partage par contre pas le raisonnement consistant à dire que si le diésel représente 19% de la pollution, il représente 19% des morts
Le tableau montre l'émission de particules de 2.5µ. J'imagine que la proportion est différente selon les tailles, et j'imagine aussi que si les particules les plus petites sont celles qui restent le plus longtemps en suspension, celles un peu plus grosses ont également une part de danger,Bref, je me garderais de conclure.
Pour finir, si le diésel est la cause de 4 000 morts plutôt que de 42 000, cela mérite malgré tout une action!
verel,
Sur les morts qui seraient déjà de grands malades, en fait on n'en sait rien: c'est seulement ce qu'on peut subodorer de la donnée de la perte d'espérance de vie. Encore que cette notion dise simplement qu'en moyenne, on vivrait un certain temps en plus s'il n'y avait pas de pollution. De l'autre côté, il y a les évaluations causales: une augmentation de pollution provoque une certaine hausse de la mortalité. La première notion est celle signalée par Denys sur le site d'Airparif, l'autre renvoie aux données qu'on peut récupérer par la carte de l'OMS.
Ce qui me fait dire qu'en fait, cette notion de mort prématurée ne renvoie à rien de tangible pour le quidam. Je ne suis capable de ne trouver aucune représentation claire de la notion. Dans le cas présent, elle ne correspond pas à la définition de l'INSEE, ni à rien de commun qu'on pourrait se figurer. Elle me semble réduite au rang de construction mathématique.
Pour ce qui est des différentes tailles de particules, le CITEPA propose trois mesures: <10µm, <2.5µm et <1µm. Les proportions émises par les transports sont respectivement 17%, 19% et 18%. Le secteur résidentiel & tertiaire, par contre, compte pour 27%, 39% et 63%. Bref, ça ne semble pas changer les choses pour le diesel, mais par contre pour le chauffage, si. Ce qui pourrait changer les choses, c'est la répartition spatiale: les particules dues aux transports sont plus localisées à l'émission puisqu'elles ont lieu principalement sur des voies à fort trafic, alors que l'habitat et le chauffage au fioul sont plus dispersés. Mais le miracle du modèle linéaire sans seuil fait sans doute que cet effet de la dispersion s'annule.
Reste qu'effectivement, les actions anti-pollution comme les normes d'émissions ont eu des conséquences notables pour un coût qui paraît raisonnable. En tant que cycliste et piéton, je bénis tous les jours les normes européennes sur les carburants et le moteurs. Sans doute des progrès sont-ils encore possibles dans des conditions comparables. Mais il ne faut pas s'attendre à diminuer de beaucoup la mortalité avec cela.
La malinformation (à défaut de parler de désinformation) continue : [http://www.liberation.fr/politiques/2012/11/08/sante-la-verte-achimbaud-veut-taxer-pour-l-environnement_859164]
Ça ne m'étonne pas plus que ça. L'article de Libé recopie à la va-vite une dépêche de l'AFP, où les propos sur les 42000 morts sont attribués à la sénatrice verte qui les a tenus. J'ai entendu un matin, il y a un certain temps maintenant, l'inénarrable Jean-Vincent Placé faire la même déclaration à la radio.
Mais il faut dire qu'elle fait quand même fort, puisqu'elle amalgame le classement comme cancérigène des émissions des moteurs diesels avec le résultat décrit dans mon post, qui est une donnée mathématique sans réalité tangible pour l'homme de la rue. Sa solution est tout aussi idiote: elle propose de taxer les nouveaux véhicules qui polluent moins, du fait d'une consommation réduite et de normes qui ne cessent de se durcir par rapport aux véhicules les plus anciens. Je n'ai rien contre la taxation du diesel, dont je comprends mal (à moins que je ne le comprenne que trop bien) pourquoi il est moins taxé que le sans-plomb. Elle nous assène aussi que l'aspartame est dangereux, alors qu'évidemment, c'est faux. Pour ce qui est de la taxation de l'huile de palme, on peut voir ici. La quête pour l'éradication de l'huile de palme est une des lubies écologistes, si on n'avait pas d'huile de palme, on planterait sans doute autre chose d'au moins aussi nocif. Comme le rendement du palmier à huile est exceptionnel, on aurait forcément besoin de plus de surface cultivée.
Au passage, d'où vient le chiffre de 42 000 morts ? Je voulais faire un commentaire à l'article de Libé pour relever l'incohérence indiquée par le présent billet, mais la publication du CIRC (en tout cas, celle disponible gratuitement) ne contient aucun chiffre de mortalité. Du coup, n'ayant pas de point de départ tangible, je n'ai pas pu écrire de réaction qui soit vraiment carrée...
J'ai donné les liens qui mènent vers la source dans l'avant dernier paragraphe: un programme européen. Il y a un fichier excel qui contient le nombre fatidique.
Je repasse sur le sujet, et j'en profite pour préciser mon opinion comme quoi :
- d'un coté le scepticisme de Proteos est sain, en lien avec la demande qu'on lui prouve scientifiquement et rigoureusement la réalité des effets et que les chiffres ne soit pas des amalgames, ni des interpolations hasardeuses à partir de données très partielles, surtout si c'est pour ensuite être multipliées par une succession d'approximations et d'erreur de recopie/interprétation
- de l'autre, il me semble que les effets des particules fines (en général, et pas du diesel) sont sérieusement prouvés, même si des questions restent ouvertes sur les seuils.
Or justement je viens de mettre la main sur la description d'un nouvelle étude renforçant le faisceau de preuves, en particulier à faible dose sur le long terme :
http://www.destinationsante.com/Par...
à chaque augmentation de 10 µg/m3 sur plusieurs mois ou années hausse des admissions de :
- 3,1% pour pathologies cardiovasculaires ;
- 3,5% à la suite d’un accident vasculaire cérébral ;
- 4,2% pour des troubles d’origine respiratoire ;
- 6,3% en lien avec un diabète.
Lien Plos One :
http://www.plosone.org/article/info...
Attention, tout ceci ne retire rien à l'absurdité totale des propos de Mme Achimbaud, les véhicules aujourd'hui mis en circulation étant conforme à la norme Euro 5 qui impose la même limite pour les particules fines pour les véhicules essence et diesel. D'autant qu'à l'horizon de mise en application envisagé, la norme Euro 6 encore plus stricte risque d'être en application.
Interdire la circulation en centre-ville et sur certains axes des véhicules antérieurs aux normes 3 ou 4, ou la limiter en kilomètres/nombre de jours par an, pourrait avoir du sens (même si la mise en application est délicate), mais ce n'est pas du tout l'orientation envisagée.
Sans laisser de coté toutefois, que la vrai priorité ce sont plutôt les scooter, dont en l'absence de réglementation les émissions diverses et variés, pas forcément des particules, sont extrêmement élevées et plus préoccupantes que celles des voitures.
jmdesp,
Je pense aussi que l'effet des particules est prouvé. Le problème est plutôt de savoir quelle est la magnitude de l'effet. Avec les 42k morts, je remarquai dans mon billet qu'on était à un niveau supérieur à celui des admissions supplémentaires à l'hôpital, donné dans les résultats du programme européen. Dirtydenys rappelait aussi que l'étude Aphekom, successeur du programme CAFE dont sont tirés les fameux42k morts, ne donnait que 15k morts si on faisait une interpolation brutale.
Les chiffres qui sont donnés me paraissent complètement comparables avec le document de l'OMS que je cite dans mon billet (+1% de morts pour +10µg/m³). Il y a une certaine logique: si les hôpitaux ont une efficacité certaine, les gens iront s'y faire soigner s'ils ont du mal à respirer et ils en ressortiront plus souvent vivants que morts! On retrouve dans ce cas une certaine logique. Les ratios d'augmentations qui s'étagent entre 3x et 7x celui des morts ne m'étonnent pas.
Comme vous le précisez, une bonne part des émissions est sans doute due aux véhicules les plus anciens, mais il est presque impossible en France de leur interdire de circuler sous peine de se faire taxer d'affameur, puisque les pauvres sont réputés, non sans raison, d'être plus souvent propriétaires de vieilles guimbardes que les riches. On pourrait aussi penser interdire aux gens de faire du feu dans leur cheminée, mais je crains que ce ne soit encore plus impopulaire. Quant à la question des scooters, elle pose aussi en partie la question de savoir ce qu'on préfère comme polluants: les particules ou le CO₂? En effet, les 2 roues sont des moyens très économes en carburant. On peut sans doute faire des progrès sur les normes des 2 roues, mais à un moment donné, un compromis doit être trouvé!
Le scooter si économe que cela ? Le 10, 20 premiers de la liste suivante, oui, ensuite cela monte :
http://maxitest.moto-station.com/sc...
A partir de la position 100 sur 229, on s'approche de la consommation d'une petite voiture, et parmi ceux en dernier, ceux pour lesquels beaucoup de résultats ont été reçus (* derrière le nom) sont nombreux. Et si je fais la remarque aussitôt, c'est suite à une discussion avec un motard il y a quelque temps dans laquelle celui-ci m'informait que non, non, il faisait très peu d'économies de carburant par rapport à une voiture.
Il y a aussi la solution du scooter électrique, d'autant plus pour les modèles qui ont une batterie qui se détache et peut se recharger chez soi facilement. Leur manque de popularité semble dû plus à un manque de visibilité qu'autre chose.
Tiens, je ne connaissais pas cette page sur les conso relevées par les utilisateurs. Je note après une lecture rapide que la consommation est très nettement corrélée à la cylindrée. Mais c'est vrai qu'une part conséquente de ces scooters se compare défavorablement à la consommation urbaine d'une Clio diesel 75ch en cycle urbain, si on met de côté qu'ils consomment de l'essence et le fait que les cycles de utilisés pour calculer la consommation des automobiles ne sont pas très réalistes.
Néanmoins, il reste que je voyais les 2 roues plus économes. Faudrait regarder ce qui existe en termes de normes anti-pollution sur les 2 roues.
Pour info, j'ai mis la main sur ce rapport du COMEAP britannique sur les effets estimés de la pollution atmosphérique, et qui explique la méthodologie utilisée pour arriver à tant de décès en plus pour telle dose de polluants atmosphérique :
"The Mortality Effects of Long-Term Exposure to Particulate Air Pollution in the United Kingdom"
http://www.ademloos.be/sites/defaul...
Une description simplifiée des résultats : http://www.airclim.org/acidnews/201...
Sinon on sujet de la pollution des 2 roues, un reportage suisse intéressant :
http://www.rts.ch/emissions/abe/110...
Ils trouvent un pourcentage anormal d'émission de CO, lié au fait qu'au bout de 3/4 ans, le catalyseur n'est plus actif. Or les 2 roues, même s'ils ont aujourd'hui des normes à la fabrication, euro 3 qui autorise quand même 1g de CO, n'ont pas de contraintes de contrôle régulier.
En complément cet article d'un site moto : http://www.moto-station.com/article...
Les 2 temps encore en partie présent sur les 50 cm3 émettent beaucoup plus de pollution, en particulier des particules fines. Même si les plus gros 2 roues consomment plus, ce sont aussi eux qui ont les meilleurs dispositifs anti-pollution et polluent moins.
Un petit résumé global http://www.scooter-system.fr/dossie... qui souligne que l'avenir, espérons le, est au remplacement des 50 cm3 par des scooter électrique, très compétitifs sur ce segments, démarrage plus rapide et autonomie à 100km suffisante pour l'usage de ce type de scooter.
Pour info, la popularité des scooters électriques en Chine est telle que c'est en train de s'y réaliser, même si la part du charbon dans la production électrique fait que le bilan final est beaucoup moins positif qu'ailleurs. Mais reste favorable pour les scooter, moins pour les voitures.
Cf http://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021...
_Electric Vehicles in China: Emissions and Health Impacts_
"100 million e-bikes purchased in the past decade and vehicle ownership about 2× larger for e-bikes as for conventional cars"
Dans la mesure où c'est l'OMS qui avance ce chiffre de 42 000 morts, je ne vois pas vraiment l'intérêt de le contester. Ou alors on conteste tous les chiffres qu'on nous assène depuis 50 ans sur les morts dues à l'alcool, au tabac, aux maladies infectieuses ou encore à la malnutrition.
La preuve que le diesel est une hérésie c'est que les Français en sont les champions du monde. Et comme la France a déjà l'occasion d'afficher sa bêtise en étant championne du monde du nucléaire-indémantelable...
KimmyKey,
vous n'avez visiblement pas lu le billet: ce n'est pas l'OMS qui avance ce chiffre. Il sort d'un programme financé par l'UE. Et comme je le dis dans mon billet, il ne correspond en rien à des évènements tangibles pour l'homme de la rue; c'est une donnée purement mathématique, ce qui n'en enlève pas forcément son intérêt, mais oblige à un peu de prudence quand on s'en sert dans les média grand public. Il est en plus totalement dévoyé puisqu'on attribue au seul diesel toutes les morts dues aux particules, alors qu'en fait, le diesel n'émet que 10% des particules <2.5µm.
Pour ce qui est du démantèlement des centrales nucléaires, vous pouvez constater sur le site de la NRC qu'il y a eu des démantèlements menés à bien.
Vous donnez aussi dans l'argument d'autorité en disant que les chiffres de l'OMS sont incontestables. Au contraire, il le sont, mais pas via des arguments ad hominem, mais en regardant si la situation a changé, par exemple. Or, il s'avère que c'est le cas pour la pollution aux particules qui a baissé d'une tiers entre 2000 et aujourd'hui. On peut aussi regarder la signification réelle des données, pour savoir si la donnée est compatible avec ce qu'on lui fait dire. Enfin, il est assez tordant de voir quelqu'un utiliser un argument d'autorité, alors qu'il conteste les choix politiques faits dans son propre pays et contredire ce que des autorités prestigieuses ont dit.
je viens de lire dans la gazette du val d'oise du 23 janvier 2013,feux de cheminée bientôt interdits.et que julien assoun chef du service énergie de la driee ,explique que la seule pollution aux particules est responsable des fameux 42000 morts par an.que en ile de france 20% des émissions est due à la combustion du bois de chauffage contre 25% pour les transports. je m'interroge sur le fait ,qu'il faudra interdire les barbecues,les petites flambées épisodiques dans l’âtre,et les poêles dans les caravanes .la police sera là pour verbaliser.
les vendeurs d'inserts seront contents .
Il est quand même extraordinaire de voir que ni la Cour des Comptes dans son référé du 17 décembre 2012 ni la Ministre de l'Ecologie dans sa réponse du 23 janvier 2013 ne savent plus très bien quelle est l'origine du dénombrement de 42000 (ou 40000?) décès annuels en France (OMS ou Commission européenne?), s'il concerne toutes les pathologies ou seulement les cancers, s'il met en cause toutes les particules ou seulement les émissions du diesel...La Cour des Comptes n'est d'ailleurs pas beaucoup plus précise quand elle semble distinguer les "performances" mesurées en consommation et en rejet de CO2...Bref, est-il bien raisonnable de lancer des anathèmes comme l'affirmation d'une motivation sanitaire "incontournable" d'une éventuelle augmmentation des taxes sur le diesel avant d'avoir mis sur la table tous les arguments ? On doit quand même rappeler que depuis 2011 et les normes EURO5 les mêmes limites sont imposées aux rejets de particules des voitures particulières motorisées essence ou diesel. S'il s'agit aujourd'hui simplement de l'évolution de l'activisme respectif des raffineurs, de Renault et de PSA, pourquoi pas mais évitons d'agiter des arguments redoutables comme les décès par cancer...
Candide,
J'espère que ce billet aura permis de clarifier pour vous quelle est la source de ce chiffre de 42000 morts par an de façon définitive. En fait, comme je l'ai dit en commentaires, ce chiffre est très abstrait, il serait mieux exprimé en termes de perte d'espérance de vie. Mais on comprend bien qu'il est nettement plus difficile de faire pleurer dans les chaumières de cette façon. Il concerne donc absolument tout: pathologies graves comme le cancer et aussi affaiblissement dû à des conditions adverses qui vont hâter une mort due à une autre cause. Ce programme européen a eu un successeur, dont les résultats ont percolé dans la presse, mais le vieux chiffre est resté, en partie parce que le programme plus récent ne fournissait pas d'équivalent directement utilisable. On en parle ici et en utilisant les mêmes tactiques que pour obtenir les 42000 morts, on arrive péniblement à 15000.
La mise en accusation du diesel comme pratiquement le seul émetteur est par ailleurs très malhonnête. En effet, ce n'est pas dans le billet, mais le diesel ne représente que 10% du total des émissions de PM2.5. Le bois en fait presque 4 fois plus, le fioul domestique 40% de moins, mais concentrées sur la moitié (ou le tiers) froide de l'année. De plus, les poids lourds consomment une bonne part du diesel et il n'est pas envisagé de les faire rouler à autre chose, en tout cas dans un avenir proche. Les routiers bénéficient aussi d'une exonération partielle de la TIPP par rapport aux particuliers et leur taux est fixé nominalement en loi de finances.
Pour ma part, je pense qu'il n'y a pas de raison de favoriser fiscalement le diesel par rapport à l'essence. Mais utiliser l'argument de la santé publique est effectivement très dangereux pour la suite. Autant dire la vérité: le gouvernement a besoin d'argent; les impératifs stratégiques et la politique climatique imposent de réduire la consommation de pétrole.
Merci à tous pour ces informations qui démontrent une fois de plus qu'il faut se renseigner avant d'ânonner.
Bien entendu KimmyKey est le contre exemple qui ne peut s'empêcher d'exposer ses limites cognitives ...
Il reste que la démonstration pourrait aller à son terme :
- si toutes les voitures particulières étaient au SP95
- et que l'on laisse toutes les autres sources de particules fines en l'état (poids lourds, bus, engins agricoles et de chantier, trains, pratiques de chauffage ...)
- de combien baisserait-on cette pollution
- et finalement, combien de vies ne seraient plus 'raccourcies'
- ou plus exactement ce raccourcissement passerait de X mois à Y mois (ou semaines, ou heures...)
A première vue, on frise la limite de la mesure statistique ...
Certains commentaires font allusion à la consommation des 2 roues.
Pour info:
- les sites reflètent la réalité mesurée par les utilisateurs, pas les données constructeurs
- il est impossible pour une Clio Diesel 75cv de ne consommer que 5L en circulation DANS Paris, alors que la majorité de scooters sont utilisés intra-muros et sont autour de 3L/100
- je possède 1 moto de forte cylindrée, et mon amie 1 scooter 125. En circulation urbaine et péri-urbaine, il est impossible de consommer moins avec 1 automobile, avec des vitesses moyennes comparables
- mais la force des voitures et des transports en communs, c'est bien entendu se déplacer avec plus d'1 passager ! En mutualisant la consommation, alors les 2 roues sont archi-battus !
- ce qui n'excuse en aucun cas les bus qui circulent à vide ou avec moins de 5 passagers
gg91,
Comme j'ai complété ce billet par un autre, je peux vous dire que les voitures particulières diésel émettent 13.7kt de PM2.5 soit 5% du total. En effet, les supprimer ne modifierait pas grand chose!
Pour ce qui est des consommations respectives des 2-roues et des voitures, il me semblait évident qu'il y avait une différence comme celle-là. Cela dit, les Honda Goldwing (oui, bon...) sont référencées comme consommant 6.5L/100km. Je pense donc qu'il y a une différence dans la procédure de test par rapport aux automobiles, dont il est connu que le test minimise la consommation, notamment en ville.
"C'est scientifique" "incontestable"
Tous commentaires reposant depuis des années sur une source unique anonyme masquée derrière le CIRC (ça ne s'invente pas)
"on sait depuis longtemps" ajoute doctement un Docteur...
On sait depuis Alphonse Allais qu'il faut construire les villes à la campagne.
Tout le monde souffre du trop plein de voitures : peut-on en parler sans chercher un bouc émissaire ?
Encore un débat tordu