NK603, l'information écologiquement modifiée
Par proteos le 21 septembre 2012, 00:21 - À table! - Lien permanent
Ce mercredi, le Nouvel Observateur nous a gratifié d'un dossier sur les OGMs selon lesquels ce seraient des poisons, basé sur la publication d'un papier de G.E. Séralini, scientifique favori du CRIIGEN et déjà connu pour ses papiers prétendant démontrer la nocivité de divers OGMs et celle du Round Up. Il n'aura sans doute pas échappé aux lecteurs habituels de ce blog que je trouve que l'argumentation déployée par les opposants aux OGMs particulièrement insuffisante. Cette étude, comme on va le voir, ne change pas ma façon de penser, mais elle est aussi révélatrice des tactiques des écologistes dans ce domaine ainsi que d'insuffisances graves de la part d'une partie de la presse, en l'occurrence ici de la part du Nouvel Observateur.
Le papier de Séralini
Séralini était déjà connu pour quelques aventures, car il a déjà essayé de prouver que le MON810 était nocif en bidouillant les données de l'étude Monsanto et essayé de montrer qu'un produit homopathique annulait les effets néfastes du glyphosate, le principe actif du Round Up. Il s'est donc bâti une solide réputation d'absence de sérieux qui lui vaut quelques déboires quand il se risque hors de nos frontières.
On peut trouver le papier de Séralini sur les sites des organismes qui sponsorisé son étude, ce qui n'est pas si courant et est à mettre à leur actif. Il prétend démontrer la toxicité du maïs NK603, autorisé depuis 12 ans aux USA, ainsi que celle du Round Up. La disponibilité du papier en ligne a permis d'avoir nombre de critiques au sujet de cet article, parmi laquelle celle de Marcel Kuntz. On peut faire la liste des griefs principaux:
- Pas assez de rats dans chaque groupe: le groupe de contrôle ne compte que 10 mâles et 10 femelles, ce qui le rend très sensible au bruit de fond statistique
- Le traitement statistique est mystérieux.
- L'étude n'est pas menée en aveugle, tous les expérimentateurs savent à quel groupe les rats appartiennent, ce qui rend l'étude sujette à divers biais.
- Les rats utilisés sont susceptibles de développer des tumeurs: les taux de prévalence donnés par les études s'étagent en gros de 50 à 80% pour des rats vivant jusqu'à 2 ans! On voit aussi qu'il y a des lignées qui sont nettement moins sujettes à ce problème et où il est donc plus facile de distinguer un effet conduisant à l'augmentation d’apparition des tumeurs.
Pour bien montrer que ces critiques ne sont pas là que pour la forme, on peut regarder la figure 1 du papier. Les traits continus sont les groupes avec les produits à tester, l'épaisseur croissant avec la dose administrée. On distingue le comportement pour les mâles et les femelles. Successivement de haut en bas, nourriture avec le maïs OGM seul, maïs OGM saupoudré de Round Up, eau mélangée au Round Up. Les traits pointillés représente le groupe de contrôle: c'est donc la même courbe qui se succède de haut en bas. On constate que pour la consommation d'OGM seul et pour les rats mâles (graphe en haut à gauche), il vaut mieux consommer le plus possible d'OGM: c'est le cas où les rats vivent le plus vieux! Quel dommage que Séralini n'en fasse pas ses conclusions! On constate aussi que les évolutions ne sont pas vraiment celles attendues quand on connaît la conclusion qui en est tirée: il n'y a pas de croissance de la toxicité quand la dose augmente ou quand on ajoute un produit a priori toxique. C'est ainsi que consommer de la nourriture avec juste un peu d'OGM apparaît dangereux pour les mâles et que l'ajout de Round Up dans les OGMs est bénéfique aux femelles. Par rapport aux autres études regardant la prévalence chez les rats vieux des tumeurs, on voit qu'en fait c'est le contrôle qui est exceptionnel, et non les groupes avec lesquels on veut tester les produits. On se trouve donc en face d'une étude qui nous montre qu'avec des échantillons de petite taille, on a énormément de bruit. On peut même lui faire dire l'inverse des conclusions des auteurs puisque certains résultats favorisent en fait l'OGM.
À ce stade, on ne voit donc que quelqu'un qui s'est fait à juste titre rembarrer sur ses méthodes tant statistique qu'expérimentale se faire de nouveau rembarrer à juste titre pour les mêmes raisons. C'est certes un militant anti-OGM, financé par des associations sur la même ligne que lui, mais cela ne fait qu'obliger à regarder avec un œil critique ses publications: être engagé ne veut pas dire en soi qu'il ait forcément tort. Simplement, Séralini n'aura certainement pas amélioré sa réputation auprès de ses pairs grâce au contenu de son papier.
L'exploitation dudit papier
Par contre, l'utilisation de ladite publication est nettement plus contestable. Le principal article du Nouvel Observateur est sensationnaliste. On nous dit que la publication pulvérise une vérité officielle
, dans un pays où le seul OGM qui y ait jamais été autorisé est interdit, parce que le gouvernement le soupçonne de nuire à l'environnement. Par contre, il est vrai que toutes les instances d'évaluation des risques existant de par le monde jugent les OGMs actuellement sur le marché comme sûrs, suite à un grand nombre d'études et maintenant un certain nombre d'années d'utilisation. On nous décrit ensuite le mode opératoire de l'équipe de Séralini: on apprend qu'ils ont crypté leurs emails comme au Pentagone
, qu'ils se sont interdit toute discussion téléphonique
, qu'ils ont trouvé l'achat de semences OGMs très difficile
et enfin qu'ils se sont procuré 200 rats. Il faut dire que l'équipe de Séralini craignaient un coup fourré de Monsanto, qui ne doit se doute en aucune façon que des opposants cherchent depuis des années à monter des études visant à discréditer ses productions.
L'article nous informe aussi que Séralini publie prochainement un livre sur le même sujet, de même que Corinne Lepage, présidente d'honneur du CRIIGEN, sponsor de cette étude. On nous informe aussi qu'un film portant le même titre que le livre de Séralini et portant sur le même sujet va bientôt être diffusé sur une chaîne publique. On croirait presque que l'étude sert de caution à une tournée promotionnelle comme l'industrie du divertissement nous a habitués à en voir et très similaires à leurs sœurs jumelles destinées à faire vendre des livres ou des documentaires vantant une certaine opinion, le plus souvent en criant au scandale. Heureusement, Séralini a pris soin de nous rassurer dans sa publication: il ne déclare aucun conflit d'intérêt, ce qui est bien le moins pour quelqu'un qui agit pour le compte d'une association militante qui ne cesse de dénoncer ceux qui mineraient les études concurrentes. Le Nouvel Observateur, non plus, ne sert aucunement de support à une quelconque tournée promotionnelle, et c'est dans un but purement informatif qu'il a interrogé Mme Lepage Corinne qui nous affirme que tout est organisé pour qu'il n'y ait pas de recherches
.
L'article est aussi titré comme étant exclusif
. En lisant ce qui se dit ailleurs, on s'aperçoit que Séralini et le Nouvel Observateur ont signé un accord de confidentialité. Cet accord empêchait de s'enquérir de l'avis d'autres personnes spécialistes des OGMs et de recueillir leur opinion de façon à recouper les informations. Ceci est aussi particulièrement indiqué pour une publication scientifique. En effet, qu'une étude donne lieu à publication ne veut pas dire que ses conclusions sont certaines. C'est plutôt le point de départ de la critique et de la possibilité d'essayer de répliquer les résultats. Et vue la vitesse où les critiques sont apparues, il eut sans doute été préférable de recueillir des avis d'autres scientifiques, non militants cette fois-ci. À moins bien sûr que les journalistes ne soient victimes du biais de confirmation: en fait, ils étaient déjà acquis aux idées qu'on leur a exposées, il leur paraît impossible que ce soit l'inverse qui soit vrai. Mais force est de constater que si le Nouvel Observateur avait fait de même dans l'autre sens, on aurait traité ça de manipulation et dénoncé le manque criant de déontologie journalistique. C'est le cas ici: on voit bien que le Nouvel Observateur sert de faire-valoir à des personnes qui ont aussi un net intérêt commercial à ce qu'on sache ce qu'ils font, il ne recoupe pas ses informations.
Ce n'est pas la première fois que ça se produit dans la presse française. Il y a quelques mois sur ce blog, je critiquais un article du Monde qui recopiait servilement le tract d'une association anti-OGM à propos du coton Bt en Inde, déformation des propos des défenseurs de la technique inclus, alors qu'un mois plus tôt un journal indien, traitant le même sujet, mentionnait le point de vue inverse. Mais le manquement du Nouvel Observateur est encore plus flagrant et cette fois-ci on a un aperçu d'une bonne partie des techniques des militants écologistes pour faire prévaloir leur point de vue.
Les militants écologistes dominent de la tête et des épaules leurs opposants sur la maîtrise de la chaîne de production médiatique. Ce n'est pas un fait nouveau, il suffit de regarder ce qui se passe depuis de nombreuses années sur le nucléaire. On trouve ainsi des traces de ceci dans un article sur les évènements ayant entouré l'usine de La Hague (p175sq). Les militants y sont décrits utilisant divers artifices, comme le fait d'envoyer leur contribution au dernier moment, empêchant toute modification de celle-ci et toute recherche de contradiction. L'accord de confidentialité trouve toute sa place dans ce cadre: les médias importuns qui veulent un avis extérieurs sont exclus, ils n'auront pas le scoop et ils ne pourront publier une réfutation. Celle-ci ne peut venir que plus tard, alors que la machine médiatique est lancée et inarrêtable ou bien que l'agitation est retombée.
Les militants écologistes se posent aussi de façon permanente en David devant affronter Goliath, même lorsqu'ils dominent largement le champ de la polémique. Dans le cas des OGMs, le cas est clair: en France, la cultures des OGMs est interdite, tout essai est devenu impossible — alors même qu'il y avait des essais de plantes transgéniques en France à la fin des années 80. On trouve cet angle dans l'interview de Jouanno: elle nous dit que Monsanto s'est montré menaçant dans son bureau à propos de l'invocation de la clause de sauvegarde sur le MON810, mais elle se garde bien de dire que Monsanto a gagné au Conseil d'État sur ce sujet. Ils ne cessent aussi de dénoncer les conflits d'intérêts de leurs opposants afin de les décrédibiliser, rien que d'aller à des conférences où des industriels sont présents suffit pour devenir irrecevable. Par contre, comme on l'a vu dans le cas d'espèce, cela ne les dérange pas de se trouver aussi dans des situations de conflits d'intérêts flagrantes. Bien sûr, ils argueront sans nul doute que la publication est dévoilée par hasard juste avant la sortie de divers livres et autres reportages, uniquement là pour propager leur message. Mais le fait est qu'ils ont un intérêt financier, autre que leur salaire, à faire publier leur papier dans une revue scientifique. Cela ne les gêne pas non plus d'être financés par des multinationales.
Les militants écologistes cherchent aussi à pirater le processus d'évaluation par les experts ainsi que les canaux scientifiques. J'en ai déjà parlé en regardant l'utilisation qui était faite du principe de précaution en relation avec les OGMs. Arriver à publier de nouveau une étude, peu importe sa qualité, leur permet de faire parler de leur cause. Comme les journalistes à qui ils s'adressent sont probablement ignorants du consensus scientifique, ils peuvent recevoir un bon accueil. Peu importe le nombre d'études publiées: il n'y en a jamais assez, tout est toujours organisé pour empêcher leurs convictions d'émerger comme le consensus scientifique. Or, en l'occurrence, de très nombreuses études ont été réalisées et le consensus scientifique est que les modifications génétiques ne constituent pas en elles-mêmes une technique dangereuse: c'est par exemple la conclusion qui figure dans ce rapport européen résumant les études menées grâce à l'UE. Le fait que le consensus scientifique dans le domaine soit aussi peu souvent exposé montre le succès de leurs tactiques: on n'en parle guère, à titre d'exemple, le rapport européen est passé totalement inaperçu dans la presse.
De fait, le plus énorme scandale des OGMs est que des journalistes gobent tout ce que leur disent les écologistes dans ce domaine. On ne peut que constater que le Nouvel Observateur est soit complice, soit se laisse manipuler par une association écologiste, alors même qu'elle ne fait qu'utiliser des tactiques qu'on peut observer depuis de très nombreuses années. Ils se sont eux-mêmes interdit de recouper les informations et de rechercher quel était le consensus scientifique sur la question. Que les auteurs de l'étude et des membres éminents de l'association qui la sponsorise soient aussi dans une démarche mercantile ne leur pose aucun problème, ils leur font même de la publicité. Il faut aussi noter que le Nouvel Observateur s'est distingué en relayant une entreprise de désinformation menée par des anti-nucléaires. Une fois de plus, je constate qu'on ne peut pas faire confiance à la presse dans certains domaines, dans des matières techniques ou scientifiques, un article de presse est à prendre avec les plus grandes précautions. On trouve aussi souvent de nombreuses interrogations de la part de la presse sur son avenir. Fournir aux lecteurs l'occasion de s'apercevoir que, dans ces matières, la qualité de l'information fournie est mauvaise, c'est aussi l'occasion pour eux de s'interroger sur la qualité de l'information fournie, tout court.
edit du 22/9: corrigé un oubli de mots dans le paragraphe sous le graphique extrait du papier edit du 19/10: correction d'erreurs variés mais criantes d'orthographe, de syntaxe, etc.
Commentaires
Excellent billet.
Vous avez oublié un «y» à glyphosate au 2ème paragraphe.
Concernant Monsanto, je pense qu'ils sont très content de la position des anti-OGM Français et Allemands. Ces derniers ont tués la concurrence locale qui avait de l'avance dans le domaine dès la fin des années 80. Résultat Limagrin et BASF on récemment quitté l'Europe pour mener leur recherches outre atlantique.
Très bon billet, merci.
Le plan média des anti-OGM & anti-Monsanto est impressionnant.
Et la cerise sur le gâteau est prévue le mois prochain avec l'inévitable Marie Monique Robin, sur Arte.
Pour ma part, j'ai 2 commentaires : la première chose que j'ai repérée concernant ce papier est que, à moins d'avoir compris de travers, l'étude n'a prévu aucun groupe témoin que l'on alimenterait avec du maïs non OGM. Tous les groupes de rats sont nourris avec du maïs avec au moins 11% de maïs OGM. Or comment peut-on prétendre évaluer la surmortalité liée à la consommation d'OGM si on ne commence pas par la comparer à la mortalité d'un groupe qui n'en consomme pas du tout ?
Seconde chose, sur ce billet, et le rôle de la presse grand public : « {constater} qu'on ne peut pas faire confiance à la presse dans certains domaines» et que « dans des matières techniques ou scientifiques, un article de presse est à prendre avec les plus grandes précautions », c'est bien, mais c'est malheureusement un coup d'épée dans l'eau. Car cette même presse reste la source d'information principale (pour ne pas dire exclusive) de nos dirigeants.
Et comme au sein de nos dirigeants, ceux qui ont une formation scientifique même basique représentent la portion congrue (l'immense majorité a une formation de juristes, et on trouve quelques littéraires), à peu près aucun n'a les outils intellectuels (parce qu'il ne les a pas acquis) de comprendre pourquoi et en quoi l'information qu'il y trouve dans ces domaines particuliers est déplorable. Et donc aucun n'est capable de détecter par lui-même cet affligeant manque de qualité, et pire, aucun n'a de raison de croire un individu lambda qui affirmerait que ces articles sont d'une qualité si mauvaise qu'il vaut mieux faire comme s'ils n'existaient pas (équivalent du «vice de forme» en droit : un élément ainsi entaché cesse d'avoir la moindre existence juridique, et il ne peut plus être utilisé dans la moindre procédure juridique. Tout le monde fait comme s'il n'avait jamais existé).
Bref, la seule manière que je vois de s'en sortir, c'est d'arriver à faire des groupes de pression qui soumettent, par mail, des contre-argumentations posées à d'autres journalistes travaillant pour d'autres titres, en mettant bien en exergue en conclusion que si cet article de recherche dont on parle tant est entaché de trop d'erreurs, alors il faut le considérer comme sans valeur.
Tout d'abord je ne dis pas que l'article est bon, il est hors de mon domaine de compétence. Mais:
1/ Vous dites tous que l'échantillon est faible. N'est-il pas le même que ceux des tests de nocivité à 3 semaines réalisés par Monsanto pour obtenir l'agrément de la FDA Européenne?
2/ Il y a bien un groupe témoin nourri au mais non OGM, Hollydays, vous avez effectivement compris de travers
3/La croissance de la toxicité avec la dose. N'y a t il pas des publications récentes qui montrent justement que pour les pertubateurs endocriniens la relation dose-effet ne fonctionne pas?
4/ Les rats utilisés: Est-il vrai que c'est une souche très largement utilisée pour sa constance morphologique et génétique, et les mêmes que ceux utilisés pour les études de toxicité?
@Marvin,
1/ L'échantillon est faible surtout parce qu'au bout de deux ans, on est sûrs de voir apparaître des tumeurs en grand nombre avec cette lignée de rats. Si on prévoyait très peu de tumeurs, un petit nombre de rat peut suffire pour conclure si suffisamment de rats ont des tumeurs dans les groupes testés. Avec ses 200 rats sur 2 ans, Séralini aurait dû se limiter à essayer de prouver un effet nocif soit sur le Round Up, soit l'OGM, soit les 2 combinés et encore. En 90 jours, vous n'attendez aucune tumeur ou presque: si vous en avez pas mal au final, ça sent le roussi.
3/ La toxicité croit toujours avec la dose: même si vous avez un seuil suivi d'une réaction constante, mathématiquement, ça rentre dans les fonctions croissantes. Ça peut vous sembler une argutie, mais ce que ça signifie, c'est que si vous augmentez la dose au delà de la dose où on commence à voir un effet néfaste, il n'y a pas de diminution de l'effet. Quand des rats nourris avec la proportion maximale d'OGM se portent aussi bien que les rats avec le régime témoin et que le régime intermédiaire se porte le plus mal, ça montre qu'on voit surtout du bruit. On ne peut pas conclure dans une telle situation: Séralini n'a pas démontré d'effet néfaste.
4/ Pour cela je n'en sais rien: je ne suis pas spécialiste du domaine. Mais en cherchant un peu sur le web, on voit que la cancérologie est friande de ce genre de rats: c'est pratique pour tester les molécules qu'on pressent pour servir de médicaments.
@HollyDays,
Si, bien sûr qu'il y a un groupe témoin. C'est tout de même le minimum. Les résultats du groupe témoin sont représentés en pointillés sur la figure, et par les barres indiquées par 0 dans les cadrans en haut à gauche (elles détaillent la mortalité jusqu'à la zone grise).
le Monde consacre une page entière au sujet et relève
d'une part l'anomalie médiatique
d'autre part le désaccord des autres spécialistes
Pour que même Hervé Kempf se montre sceptique, il faut vraiment penser que tout cela n'est que de la manipulation !
Verel,
Hervé Kempf avait aussi en son temps fini par relever que les manips statistiques du même Séralini — mais quand il avait réinterprété les résultats de Monsanto sur le MON810 — ne tenaient pas la route. La presse quotidienne nationale a tenu un discours assez raisonné où on pouvait trouver le point de vue adverse à celui des anti-OGMs, avec bien sûr des nuances suivant les journaux. Il faut reconnaître que c'est tout à leur honneur.
Ce qui me chiffonne le plus, ce sont les éditoriaux comme celui du Monde de ce soir: il contient un appel à l'expertise alors que les travaux sur la question sont déjà légion. On doit bien pouvoir en dire quelque chose! Aujourd'hui, la vision que j'ai du consensus scientifique est celle qui est donnée dans le rapport fait par l'UE à propos des 300M€ investis dans la recherche sur le sujet: les OGMs ne sont pas une technique plus dangereuse en soi que les croisements habituels. On peut discuter de l'utilité et de la potentielle nocivité de certains traits, mais vu la provenance des gènes utilisés jusqu'ici, les risques de nocivité de l'OGM seul sont réduites. Je pense qu'on ne peut plus faire comme si rien n'avait été fait dans le domaine. Et botter en touche vers des problèmes de santé publique comme les cancers hormono-dépendant et les pertubateurs endocriniens, ça me paraît un peu bizarre.
@Marvin:
- 1 : si effectivement la FDA se contente de tests sur 10 rats pendant 3 semaines, c'est excessivement court et peu significatif. Vous avez des sources ? Narbonne de l'ANSES déclare sur le HufPo que les études européennes coûtent 10 fois le prix de celles américaines à cause de leur renforcement.
L'OGM en question a en tout cas déjà été testé pendant bien plus longtemps, voir la revue suivante qui recense 12 études sur plus de 90 jours, parfois déjà jusqu'à 2 ans http://www.marcel-kuntz-ogm.fr/arti...
- 3 : Avec ces perturbateurs, il y a saturation de l'effet quand on monte trop en dose. Séralini se serait dans ce cas planté en ne testant que des doses au-dessus du seuil de saturation. Sauf que pour certains groupes, l'effet retombe, ce qui là ne peut plus s'expliquer par saturation.
- 4 : Utiliser des rats sensibles aux tumeurs a un sens pour pouvoir détecter des effets plus subtiles, si le produit augmente le risque de cancer on va voir tout de suite l'effet sur ce type de rat à travers la variation de la date et de la fréquence des tumeurs. Mais du coup, il faut un beaucoup plus grand nombre de rats pour que le test soit significatif puisqu'on est plus en blanc/noir, tumeur/pas tumeur, mais à mesurer une variance sur le nombre de tumeur qu'il faut distinguer du "bruit" normal.
Tout ceci m'a amené sur un ancien billet rédigé par Seppi sur les relations entre Séralini et la société d'homéopathie Sevene Pharma http://imposteurs.over-blog.com/art... complété ailleurs par des citations d'un livre qu'il a écrit http://alerte-environnement.fr/2009...
On est plus dans le militantisme dévoyé, mais plutôt dans des manipulations à visées commerciales.
@jmdesp,
je crois que l'étude pour la FDA est sur 20 rats et 90 jours (je crois que c'est dit dans l'article que vous pointez). Je ne suis pas d'accord que ce soit forcément trop court et trop peu de rats. Dans le cas présent Séralini est piégé par la forte prévalence de tumeurs: il se tape un écart type énorme de toute façon sur des lots de 10 rats. D'ailleurs, ça n'a pas raté: si on ne voit pas d'effet croissant avec la dose, c'est aussi parce qu'il y a un bruit important. Si l'incidence de tumeurs avait été faible dans le cas normal, son argument aurait été fort même avec 10 rats. On peut voir ça comme une application de la loi binomiale: supposons que la probabilité de mort soit de 10%. Avec 10 rats, on a une espérance de morts de 1. L'écart type vaut 1 (en gros). Si on a plus de 3 morts dans les groupes testés, ça devient significatif (je simplifie). Si la probabilité de mort est de 50%, l'espérance vaut 5 et l'écart type 1.5. Tant qu'on a entre 2 et 8 morts, ce n'est pas très significatif en soi!
L'autre piège, c'est que le lot témoin n'est pas seulement là pour servir de comparaison avec les lots de tests. Il est là aussi pour comparer le résultat du test avec ce qu'on sait de la lignée de rats par ailleurs. Un résultat exceptionnel avec les témoins doit conduire à s'interroger sur l'expérience ou à se dire que c'est ce lot qui est exceptionnel, pas forcément les autres.
Dans le domaine de l'autorisation la FDA et la réglementation US en général n'est pas d'une négligence coupable. Le principe de la réglementation US, c'est que les modifications génétiques ne posent pas de menaces particulières en elles-mêmes. Les plantes GM doivent donc suivre un parcours similaire aux autres plantes obtenues par croisements classiques, ou autres techniques acceptées. Sous l'hypothèse que le génie génétique n'introduit pas de risque spécifique, c'est l'attitude rationnelle: si on accepte les risques posés par les croisements, alors on doit aussi accepter les risques posés par les modifications génétiques volontaires. La réglementation européenne part de la prémisse inverse ou d'une prémisse qui découle du principe de précaution, où on se dit qu'on ne sait pas apporter de réponse à cette question. Or, comme je l'ai signalé les programmes financés par l'UE valident plutôt l’approche US: pas de risque spécifique posé par les manipulations génétiques.
D'ailleurs, il faut rappeler que les écolos sont tout sauf clairs sur la question des autorisations de culture: dans le cas de Kokopelli, ils veulent la liberté de semer; quand c'est Monsanto, non surtout pas. Au fond, il est difficile de se dire que cette différence de traitement puisse être liée à autre chose que l'association du danger à la nouveauté et de la sécurité à la tradition.
edit: l'étude de Marcel Kuntz ne contenait pas le NK603, je crois. Mais elle concluait à la faible utilité des tests à long terme dans le cas des OGMs.
L'avis du BfR , équivalent allemand de l'ANSES (qui donnera le sien le 20) est sorti. Ici accompagné de traduction google en anglais.
Mais de toute façon la conclusion est tellement claire que j'en arrive à croire que je comprends l'allemand!
J'attends avec impatience les couvertures des magazines et les gros titres sur ce démontage en règle.....
Barca: j'ai édité votre commentaire pour que le lien mène à sa destination.
Les conclusions ne sont pas très étonnante, ce sont celles auxquelles on peut s'attendre au vu des graphes publiés. Il faut rappeler qu'ils devaient montrer un effet significatif et qu'ils ne le pouvaient sans doute pas avec le faible nombre de rats et la mortalité attendue.
À noter aussi une réponse de Spiroux de Vendômois — coauteur & président du CRIIGEN — aux critiques. J'y note que pour lui, il y a de plus en plus de malformations néonatales etc de puis 50 ans.
Ma conclusion de tout ce que j'ai vu :
- Séralini a lancé son étude comme étant une étude de toxicité, au milieu il a dérivé vers une étude d'oncogénèse, cf article de futura science "nous ne pouvions pas prévoir ce que nous allions trouver, ce qui nous a parfois obligés à remanier le protocole au fur et à mesure de l’expérience."
- Dans les études de toxicité, on mesure l'ensemble de paramètres biologiques des rats, tout ce qui représente leur état de santé. C'est dans ce cadre qu'on considère avoir besoin d'un groupe contenant un nombre faible de rats et d'une donnée assez courte, sur la base de l'hypothèse qu'aucun produit nocif du point de vue toxicologique n'a jamais réussi pendant 90 jours a n'avoir aucune effet biologique mesurable, pour ensuite plus tard avoir des effet notables.
- Séralini souhaitait vérifier ce qu'il en était vraiment sur 2 ans.
Et sur le plan strictement toxicologique, son expérience n'a pas trouvé d'effet significatif de l'OGM, ni manifestement du round up. Elle donc semble montrer l'innocuité à long terme à la fois des OGM, et même du round up à faible dose.
Le seul effet toxicologique trouvé est sur le foie, j'en reparlerais après
- Par contre, il a trouvé un nombre de tumeur qui lui semblait anormal. Mais l'étude n'a pas été conçue dans ce sens.
- En effet si la probabilité d'apparence de ces tumeurs est élevée, une simulation avec R démontre par l'exemple que 10 rats est beaucoup trop peu pour avoir des résultats fiables. Cf http://www.bacterioblog.com/2012/09...
Le protocole standard officiel pour les tumeurs est donc logiquement d'au moins 50 rats
- Et il y a beaucoup de tumeurs dans cette espèce de rats quand on l'élève jusqu'en fin de vie, de plus le nombre de tumeurs varie fortement.
- En fait, l'étude "The effects of overfeeding and dietary restriction on Sprague-Dawley rat survival and early pathology biomarkers of aging" http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/... a démontré depuis longtemps que sur 2 ans pour limiter le nombre de tumeurs, il faut absolument limiter la richesse d'alimentation.
Les résultats sans contrôle d'alimentation dans cette étude correspondent tout à fait à ce qu'a constaté Séralini.
Séralini a confirmé au Guardian ne pas avoir contrôlé l'alimentation : http://www.guardian.co.uk/environme... "Seralini says the rats were allowed to eat as much food as they liked"
- Une seconde étude similaire à la première a indiqué que la suralimentation en plus des tumeurs provoque des problème de foie (CRD - Chronic Renal Disease)
"The effects of diet, ad Libitum feeding, and moderate and severe dietary restriction on body weight, survival, clinical pathology parameters, and cause of death in control Sprague-Dawley rats."
http://toxsci.oxfordjournals.org/co...
Le second problème observé par Séralini s'explique donc par la même cause
- Ce n'est pas fini : on peut aussi se demander si Séralini a réellement équilibré l'alimentation des rats. Il indique avoir complété le mais fournis avec un complément alimentaire adapté. Mais la méthode qu'il aurait dû prendre est de compléter le maïs OGM avec du maïs non OGM pour fournir à chaque rats la même quantité de mais. Le maïs manque de protéines par rapport aux besoins des rats. Le complément est donc logiquement un aliment fortement protéinique. Si Séralini n'a pas équilibré le maïs, mais a juste complété la dose avec le complément, il a des rats nourris 89% de complément (11% de maïs), à 78% de complément (22% de maïs) et 67% de complément (groupe 33% de maïs + groupe témoin à 33% de maïs non OGM). Ceux qui ont eut le plus de compléments sont ceux qui ont reçu l'alimentation la plus riche en protéines. Justement pour tous les rats nourris à 33% de maïs, la mortalité est faible et est même très similaire (sauf pour le groupe témoins femelle à la durée de vie exceptionnelle). Elle augmente sensiblement pour les groupes 11 et 22, mais sans vraiment un effet dose linéaire (elle est importante au départ pour le groupe 11, mais diminue ensuite fortement par un effet non linéaire plutôt curieux, sachant qu'au total il y a 40 rats concernés et donc moins de facteurs aléatoires)
cf http://leplus.nouvelobs.com/contrib...
- Dernier point : Le maïs OGM forme la majorité du mais aux US. Worstall, de Forbes, a donc téléphoné au labo qui a fourni les rats utilisés pour vérifier s'ils avaient une alimentation contrôlée afin d'éviter les OGM. Réponse du labo, absolument aucune précaution particulière n'est prise à ce sujet, il y a des rats fournis à partir d'Europe, d'autre des US, le mais local est utilisé à chaque fois. Donc si l'étude de Séralini est correct, on devrait voir des différences importantes entre les rats US nourris avec OGM, et les rats européen, qui y échappe largement. Ou entre les résultats des études récentes et ceux des études plus ancienne. Un commentateur est intervenu en complément pour indiquer que quand les années 90, une erreur s'est produit et des lots de rats ont été nourris sans vitamine A, les labos ont immédiatement réalisé qu'il y avait quelque chose d'anormal et ont commencé à enquêter pour trouver une explication.
cf http://www.forbes.com/sites/timwors...
Il y a un dernier aspect que je n'ai pas détaillé, les critiques assez nombreuses sur le fait qu'il n'aurait pas été très compliqués techniquement de mesurer d'un point de vue chimique les taux de glyphosate dans la nourriture des rats, pour s'assurer que le protocole ne conduisait pas à des variations aléatoires, et aussi l'absence de test pour savoir si oui ou non, on arrivait à retrouver des composés anormaux dans le maïs OGM.
A chaque fois, ce sont des tests chimiques dont les seuils de sensibilité et la précision sont de très grande qualité, et qui aurait permis de beaucoup mieux contrôler l'expérience.
Plus haut, c'est en fait 60 rats à 11%, 60 rats 22%, et 80 rats 33% dont 60 OGM et 20 témoins. Les tests type Monte Carlo avec R montrent que même 50 rats n’empêche pas totalement d'avoir parfois des résultats un peu faux.
jmdesp,
il y a clairement beaucoup de raisons de penser que ce papier ne démontre rien. Le point des 10 rats est significatif: comme l'espérance de vie des rats est de 2 ans, certains vont voir leur santé se dégrader avant la fin des 2 ans. Et donc qu'avec des groupes de 10 rats, on va voir des différences liées au bruit. Cela dit, je ne pense pas que Séralini ait fait l'erreur de changer les régimes alimentaires entre les groupes peu d'OGM et beaucoup d'OGM.
Le long usage des maïs résistants au Round Up aux USA doit aussi être pris en compte — c'est l'idée de l'article de Forbes. Si vraiment l'effet est suffisamment fort pour être observé avec 10 rats par groupe, alors, sur une telle durée, on devrait avoir des différences bien visibles entre les 2 côtés de l'Atlantique. Ça me semble bien un des arguments les plus forts contre les conclusions de Séralini. Évidemment, on n'a pas de papier scientifique dessus ... Prochainement, peut-être?
Certaines des autres erreurs faites dans l'étude (pas de vrai analyse statistique, sélection des résultats intéressant en écartant tout ce qui pouvait faire douter) sont aussi énormes que de ne pas avoir équilibré la quantité de maïs.
Beaucoup de gens ont remarqué que les rats nourris à 30% de maïs OGM avait une mortalité plutôt faible, mais beaucoup moins ont remarqué que les témoins aussi avaient été avec la même quantité de 30% de maïs. La coïncidence est plutôt énorme.
@Marvin
" N'y a t il pas des publications récentes qui montrent justement que pour les pertubateurs endocriniens la relation dose-effet ne fonctionne pas? "
Voilà : d'après Séralini l'effet de ces perturbateurs n'est pas forcément croissant (lui et ses défenseurs parlent souvent d'effet proportionnel pour distraire le public, mais un effet seulement croissant est recherché) : du coup on pourrait avoir aucun effet à très très faible dose, un effet à faible dose, et aucun (ou très peu) effet à forte dose. C'est vraiment hyper-puissant comme concept. (Je ne crois pas que tous les adeptes, pardon les défenseurs de Séralini aient en saisi la porté.)
Donc il faudrait re-tester toutes les doses de tout produit à différentes doses décroissantes à partir du seuil considéré comme acceptable aujourd'hui jusqu'aux doses homéopathiques (qu'est-ce qui nous dis qu'une dose homéopathique ne devient pas hyper-toxique?). C'est juste un peu coûteux (hum hum) au niveau expérimental, et ça annule l'idée qu'on se fait d'une marge de sécurité! Si 50 % des rats sont très malades avec 10 mg de X, qu'est-ce qui nous dit qu'avec 10 ug de X tous les rats ne vont pas être malade?
D'un autre coté, la théorie non-croissante (et pas non-linéaire!) pourrait avoir des applications commerciales intéressantes : si en consommant à forte dose les perturbateurs endocriniens (Roundup, maïs OGM) on en annule les effet, ne pourrait-on pas commercialiser un traitement préventif constitué de transgène fortement dosé arrosé de glyphosate?
Et si le polonium à très haute dose protégeait des effets de la radioactivité? Ah mince, c'est pas endocrinal. Ah mince, ça s'écrit endocrinien.