À l'occasion de la prochaine conférence sur le climat qui va se tenir à Paris, la COP21 selon son acronyme anglais, je vais écrire quelques billets pour en couvrir quelques aspects. Ce premier billet est consacré à la base scientifique du phénomène et des prévisions que font les modèles sur le futur du climat. Rien de novateur a priori, il s'agit surtout de fixer les idées en partant du dernier rapport du 1er groupe de travail du GIEC.

On peut définir le réchauffement climatique de façon générale par l'accumulation de chaleur par la Terre sur une longue durée. Cela se traduit par une hausse des températures moyennes à la surface du globe, de façon non uniforme: la répartition du stock de chaleur peut changer entre la surface des océans et les continents, par exemple. Mais cette accumulation peut se mesurer depuis l'espace: en effet, le seul moyen pour la Terre d'évacuer de la chaleur est de la rayonner et le principal apport — et de très loin — est la lumière du Soleil. Comme depuis les années 70, des satellites mesurent ces 2 données en permanence, il est désormais établi avec certitude que la Terre accumule de la chaleur. Cet apport est évalué à environ 0.45W/m² — en répartissant uniformément à la surface de la Terre — en moyenne entre 1971 et 2010 (p7 du résumé technique). En conséquence de quoi, les températures moyennes ont augmenté avec une tendance d'environ +0.12°C par décennie depuis les années 50 (p5) et sur les 10 années les plus chaudes jamais mesurées, 9 sont au 21ᵉ siècle et la manquante est 1998, année la plus chaude du 20ᵉ siècle.

Une fois les observations acquises, il reste à les expliquer. Comme la luminance du Soleil n'a pas beaucoup varié ces dernières décennies, il faut se tourner vers d'autres explications, et il s'avère que c'est bien l'accumulation de gaz à effet de serre qui expliquent le mieux les observations. RFs_AR5.jpg Il faut dire que l'effet de serre a une longue histoire tant théorique que pratique. Dès la fin du 19ᵉ siècle, on s'est aperçu que la température moyenne à la surface de la Terre était trop élevée par rapport à un bête calcul d'équilibre thermique. Il fallait donc expliquer la différence: rapidement, on s'est aperçu que divers gaz absorbaient dans l'infrarouge, comme la vapeur d'eau ou le gaz carbonique. D'où des tentatives de déterminer la variation de température moyenne si on augmentait la concentration de l'atmosphère en CO₂. Au fond, le modèle de l'effet de serre est assez simple à comprendre: en absorbant une partie du rayonnement émis par la surface de la Terre, l'atmosphère agit comme une couverture qui fait monter la température. Une partie de la chaleur est piégée et ce d'autant plus qu'une partie de l'énergie absorbée revient aussi à la surface de la Terre par des phénomènes de conduction thermique. Comme les bandes d'absorption du CO₂ ne sont pas confondues avec celles de l'eau, augmenter sa concentration provoque plus d'absorption et donc une hausse de la température.

Quant à l'origine de l'augmentation de CO₂, il n'y a aucun doute sur sa réalité et sur son origine. Cela vient de l'utilisation de combustibles fossiles, de la déforestation ainsi que de quelques procédés industriels. Le GIEC parle d'émissions depuis 1750, mais en fait, avant la Seconde Guerre Mondiale, les émissions étaient bien moins élevées. Ce n'est qu'avec l'exploitation massive du pétrole que les émissions ont véritablement décollé. fossil_fuels_AR5WG1.jpg Au total en 2010, les émissions de CO₂ dues aux activité industrielles (combustion de combustibles fossiles plus divers procédés) dépassent les 30 milliards de tonnes (Gt) par an, auxquelles il faut ajouter 5Gt/an pour la déforestation et l'équivalent d'un peu moins de 15Gt/an pour les autres gaz à effet de serre comme le méthane et le N₂O, pour un total d'à peu près 50Gt/an d'équivalent CO₂.

Ensuite, le GIEC détermine des scénarios moyens et lie des masses d'émissions à une probabilité de rester sous une certaine élévation de température. Il est important de noter que ces quantités sont données à partir de 2011: nous sommes en 2015 et ces budgets sont déjà entamés. AR5_CO2_budgets.jpg Pour accomplir l'objectif proclamé d'avoir plus de 2 chances sur 3 de limiter le réchauffement à moins de 2°C, il restait donc à peu près 1000 Gt de CO₂ possibles à émettre (les autres gaz à effet de serre ne sont pas comptés dans ce budget, mais modélisés à part).

Le premier effet du réchauffement climatique est la hausse du niveau des mers par 2 voies: la dilatation thermique et la fonte des glaciers terrestres. Ces 2 termes expliquent environ 80% de la hausse observée du niveau des mers; le reste est dû à la différence entre le pompage des nappes phréatiques et du stockage dans des barrages. La précision des observations de la hausse du niveau des mers s'est grandement améliorée à partir des années 90 quand le premier des satellites d'altimétrie radar a été lancé. Avec ses successeurs, on observe depuis plus de 20 ans une hausse d'environ 3mm/an du niveau moyen des mers. Au 21ᵉ siècle, la différence entre les situations où il y aurait un fort réchauffement et celui où il serait plus limité est relativement faible: si on limite le réchauffement à 2°C, on peut s'attendre à une hausse du niveau des mers de 40cm contre 75cm dans le cas de la prolongation tendancielle (grosso modo +4 ou +5°C). Mais une vraie différence apparaît à plus long terme: la fonte de la calotte du Groenland se produit vers un réchauffement de +1.5°C et une hausse du niveau des mers de 6m à l'échelle de plusieurs millénaires, et à l'échelle de plusieurs siècles, le cas du fort réchauffement conduit à une élévation de l'ordre de 4 à 5m en moyenne, contre moins d'un mètre s'il est contenu. Combiné aux autres changements annoncés dans la répartition des précipitations, de la hausse de la fréquence des épisodes de fortes précipitations, on comprend qu'il y a là motif à agir, ne serait-ce que pour limiter la vitesse des changements les plus néfastes.