Au risque de lasser les quelques lecteurs qui se risqueraient encore en ces lieux, il va de nouveau être question du nucléaire et de l'exécrable accord entre le PS et les Verts.

Et d'abord, il faut bien dire qu'on s'était un peu trompé: les Verts veulent bien le pouvoir et pas seulement imposer leurs idées, si on en croit un article relatant une partie des péripéties entourant la construction de cet accord. Cécile Duflot et Jean-Vincent Placé désirent bien des places de parlementaires et si la chance leur sourit des postes ministériels. Mais il semble bien que la tactique des écolos ait été la bonne, exiger à la fois des circonscriptions et des concessions politiques donne de bons résultats. Quant au PS, sa porosité aux idées autrefois réservées aux écologistes est maintenant démontrée.

Face à l'orage qu'a déclenché la signature de l'accord, tant à l'intérieur de son parti qu'à l'extérieur, les partisans de François Hollande ont donc essayé d'expliquer tant bien que mal la logique qui présidera à sa politique énergétique. François Brottes, chargé de l'énergie dans la campagne du candidat socialiste, a donné une interview au Monde, puis François Hollande a publié une tribune dans ce même journal.

Dans son interview, François Brottes attaque le gouvernement lorsqu'il doit répondre à l'accusation de fragiliser Areva. Il prétend ensuite que des chantiers de démolition sont des gisements d'emplois considérables et qu'abaisser la part du nucléaire dans la production d'électricité renforcera les compétences en la matière, que les renouvelables vont créer tout un tas d'emplois, que la R&D dans le stockage de l'énergie aussi, alors que cette dernière n'est pas forcément incompatible avec le maintien de la part du nucléaire. Il attaque de nouveau le gouvernement quand on lui demande si sa politique ne va pas augmenter le prix de l'électricité, avant de faire une distinction spécieuse et arbitraire entre consommation d'électricité essentielle et accessoire. Sur la question des rejets de dioxyde de carbone du fait du recours accru aux centrales thermiques à flamme, il répond qu'on le fait déjà — là n'est pas vraiment la question — et qu'il faut diminuer la consommation d'électricité — en brûlant des combustibles fossiles? — et stocker l'électricité provenant de l'éolien et du solaire — la remarque sur la R&D montrant qu'on ne sait pas faire. Je ne suis pas spécialement rassuré par cette interview, mais elle me confirme dans mon opinion des positions socialistes sur le sujet.

Dans sa tribune, François Hollande affirme au départ qu'il faut sortir du tout pétrole pour les transports, pétrole qu'on remplacera par ... ah non, ce n'est pas dit. Pour l'électricité, il s'agit donc de sortir du fameux tout nucléaire. Bref, il s'agit de diversifier les sources d'énergie, ce qui laisse pas d'étonner puisqu'il vient d'affirmer que le nucléaire n'est pas la seule source d'énergie ... puisque c'est du tout pétrole qu'il faut sortir quand il s'agit des transports. On le constate sur ce graphe, extrait du Bilan énergétique 2010 (p33), les sources d'énergies en France sont déjà diverses: Conso d'énergie en France en 2010

Mais foin de tout ceci, ce modèle doit désormais se moderniser et s'adapter, c'est-à-dire que la part du nucléaire doit baisser à 50% dans la production d'électricité. François Hollande reconnaît au nucléaire des avantages, sans les détailler. Cependant, si sa part doit diminuer, c'est que ce mode de production a des défauts qui sont apparemment limités à une question de coûts. L'industrie nucléaire sera donc priée de se taire, en exploitant les centrales qu'on ne fermera pas et en démantelant les autres.

Hollande propose donc d'augmenter la part des énergies renouvelables. Celles-ci ont pour caractéristique d'être plus chères que le nucléaire, ce qui paraît contradictoire avec l'argument de coûts développé auparavant. Mais voilà, les énergies renouvelables permettent de dire qu'on a créé des emplois sympas et ontologiquement bons. Qu'elles puissent en détruire ailleurs n'est pas un problème, on va s'organiser pour que ça ne se voie pas. Car Areva doit apparemment devenir le fournisseur principal (unique?) de tous ces matériels. Autant pour la concurrence dans ce domaine et les compétences accumulées dans le nucléaire.

Quant au problème de l'augmentation du prix de l'électricité, Hollande commence par affirmer qu'à cause de la cherté des nouveaux réacteurs nucléaires, il doit augmenter de toute façon. Il oublie donc de préciser que le prix augmentera encore plus avec sa politique. Il avance aussi un remède miracle pour protéger les consommateurs. L'industrie sera préservée, comme cela se passe dans tous les pays ayant adopté une politique de développement des renouvelables, laissant les particuliers porter seuls les coûts. Hollande va encore plus loin dans ce domaine: le gouvernement va donc définir ce qui est est essentiel et ce qui est juste du confort. On sera donc sans doute prié d'accepter des inspections pour constater qu'on vit bien selon les préceptes de modération en vigueur. À moins que ce ne soit une tarification progressive en fonction de la consommation, ce qui va donc aussi inciter les gens à remplacer l'électricité par des combustibles fossiles où aucune tarification de ce type n'est envisagée.

Hollande nous dit aussi vouloir améliorer l'efficacité énergétique par la diminution des pertes en ligne. Qui ne représentent que 7% de la consommation d'électricité française et dont 2% seulement ont lieu dans les lignes haute tension (Statistiques 2010 de RTE, p15). On voit donc mal comment gagner quoique ce soit dans ce domaine. Un autre moyen d'amélioration serait le stockage de l'électricité. Cela ne peut surprendre: stocker de l'énergie n'améliore pas en soi l'efficacité de son usage, au contraire d'ailleurs, on en dépense toujours en la stockant pour la réutiliser ensuite.

C'est alors qu'on se rappelle que ces énergies renouvelables nouvelles sont éminemment variables, ce qui n'est pas pour rien dans leur abandon pour le charbon au 19e siècle. Tous les mois, on peut constater sur le site de RTE, avec des compte-rendus mensuels, que l'éolien est extrêmement variable, avec une puissance délivrée passant de 1% de la capacité à 70% en quelques dizaines d'heures, avec de longues périodes sans production digne de ce nom. Quant au solaire photovoltaïque, nul n'est besoin d'être sorcier pour s'apercevoir que sa production est pratiquement inexistante lorsqu'on en aurait besoin en France: en début de nuit l'hiver. Face à cette intermittence, l'idée est de stocker l'électricité en surplus. Mais on s'aperçoit que les ordres de grandeurs sont vraiment et absolument délirants avec les technologies actuelles. Il faut aussi noter au passage qu'à l'heure actuelle, l'hydro-électricité sert au suivi de la demande et donc que son potentiel de stockage pour les renouvelables politiquement correctes — solaire et éolien — est encore plus limité.

Comme il n'existe pas de système de stockage d'électricité un tant soit peu crédible, que va-t-il se passer? On va construire des centrales thermiques, notamment au gaz, qui ont la caractéristique de pouvoir réagir rapidement à la demande, d'avoir des coûts relativement proportionnels à leur utilisation et ... d'émettre du CO₂. C'est ainsi que, dans les pays à forte production éolienne, comme le Danemark ou l'Espagne, c'est le thermique qui prend le relais lorsque le vent ne souffle plus, comme on peut le voir en bas de cette page. Comme la moyenne de la production éolienne vaut en gros un tiers de la production maximale, une éolienne est surtout un moyen de baisser d'un tiers les émission d'une centrale thermique à flamme. Selon les propres mots d'un industriel du gaz, ce sont en fait des centrales au gaz. Avec certes moins de CO₂ émis, mais dans des proportions qui n'ont rien à voir avec la réduction nécessaire des émissions, une division par 4. Comme la production française d'électricité est essentiellement assurée par le nucléaire, une avancée trop importante de ces renouvelables va se traduire par une augmentation des rejets de CO₂, alors que l'objectif proclamé était l'inverse. On peut aussi se référer à ce qui se passe en France depuis qu'on encourage ce type d'énergie. p17 des indispensables Statistiques 2010 de RTE, un graphe montre l'évolution annuelle de la production française. On y constate que la production de 2010 et de 2005 sont quasiment égales. La composante thermique à flamme est quasiment inchangée, la production hydroélectrique est en hausse, probablement grâce à une meilleure pluviométrie, la production de renouvelables — essentiellement de l'éolien — est en hausse, le nucléaire est en baisse. Force est donc de constater que l'éolien a surtout remplacer du nucléaire, et n'a aidé en aucune manière à la baisse des émissions de CO₂. Si le parc électrique français voit ses émissions se réduire avec cette politique, ce sera grâce à l'éviction du charbon en faveur du gaz.

Hollande termine en déclarant que ce débat mérite mieux que l'aveuglement et le mensonge. Sans doute parle-t-il en connaisseur, lui qui ment éhontément en ne disant pas que sa politique conduit à la construction de centrales thermiques à combustibles fossiles et à l'augmentation des émissions de CO₂ — et sans doute de méthane — alors que le but proclamé est inverse? Lui qui parle d'aveuglement, alors qu'on peut déjà subodorer que la politique menée est en train d'échouer et qu'il ne parle que de la renforcer?